« On a ramé pour convaincre de lancer ce projet » déclare Denis Baupin, l’adjoint aux transports de la Mairie de Paris, dans 20 minutes, tout fier d’avoir réussi à pousser le projet de « métro fluvial » pour le Val-de-Marne, dont le lancement d’une période de test de deux ans devrait être votée par le STIF le 11 juillet prochain. Et on veut bien le croire car il faut faire des efforts pour convaincre qu’en mettant 26 minutes avec le « métro fluvial » pour aller de Maisons-Alfort à Bercy, « le client ira plus vite par bateau que s’il prenait les transport classiques » comme l’explique la « Ville » dans le quotidien gratuit. En effet, lorsque l’on se rend sur le site de la RATP le petit calcul du même trajet donne une durée de 21 minutes, avec le « classique » métro (ligne 8 changement à Daumesnil puis ligne 6), sans parler de la comparaison entre les 42 minutes par bateau d’Ecole Vétérinaire à Austerlitz face aux 27 minutes avec le toujours aussi « classique » métro (ligne 8 changement à Bastille puis ligne 5). Quant aux fréquences comparées entre le classique et le moderne : les navettes fluviales seront-elles « métroisées » avec un temps d’attente inférieur à 5 minutes entre deux passages ? On peut avoir quelques doutes à la lecture du Parisien citant des « navettes confortables, avec prises pour ordinateurs (sic), d’une capacité de 150 à 200 passagers » et qui seront « probablement cinq »…
A vouloir promouvoir les solutions alternatives coûte que coûte on en arrive à oublier les vraies solutions, et à les laisser au second plan. Il ne faut pas confondre diversité et efficacité, et une fois de plus, on peut s’étonner devant les déclarations du Monsieur Transport de la Ville de Paris, mais aussi devant la plume de journalistes plus prompts à sauter sur un sujet vendeur qu’à essayer de le mettre en perspective au prix d’un tout petit peu de recul. Dans une ville de la taille de Paris, intra et extra-muros, avec ses 11 millions d’habitants, ses quelque 33 millions de déplacements quotidiens, il est bien sympathique de faire de l’alternatif, du vélo, du roller, et aujourd’hui de la navette fluviale. Mais ce qui manque cruellement à la métropole, ce ne sont pas des circulations douces à base de transports alternatifs, mais des circulations lourdes à base de transports « classiques ».
Ainsi 20 minutes cite quelques chiffres, pour illustrer sans doute « l’efficacité d’une telle structure », et d’annoncer que Batobus, avec ses 30 escales dans Paris intra-muros, enregistre aujourd’hui 800.000 « voyages » par an. La belle affaire ! 800.000 voyageurs par an, cela veut dire 2200 par jour ! Pour avoir une ordre de grandeur, 2200 personnes, cela représente 3 rames de la ligne 1 qui elle, transporte plus de 160 millions de voyageurs par an… Sans commentaire, si ce n’est ce dernier. Des liaisons en bateau, ça change, c’est agréable, c’est bien pour les touristes… qui ont le temps. Mais il faut un peu de sérieux de temps à autre, même ou surtout en matière de transports. Le projet Seine-Amont est un projet important, j’oserais dire capital dans la perspective d’un rééquilibrage Est-Ouest de la métropole. Alors pourquoi s’exciter sur un projet de navette fluviale ? Les transports en commun et les transports en général sont un des points faibles de Seine-Amont. Les utilisateurs de l’A4 et du quai d’Ivry connaissent bien les embouteillages. Les lignes C et D du RER ne sont pas réputées pour leur régularité et leur fiabilité. L’équivalent Ouest de Seine Amont, entre Issy-les-Moulineaux et la Défense profite d’un tram, le T2, qui est en fait un véritable train, utilisant une ancienne voie ferrée. Le Parisien cite Nicole Etchegoinberry, Directeur Général de Gestitres (filiale de Natexis qui s’installe à Ivry-Port) qui déclare : « Nous avons travaillé avec l’Agence de Développement du Val de Marne et la mairie d’Ivry pour améliorer la fréquence ces bus vers la bibliothèque François-Mitterrand, mais ils n’échappent pas aux bouchons », et de reconnaître que tout le monde n’est pas vraiment convaincu, « les gens se posent des questions, mais tentons l’expérience pour voir si c’est utile… » Alors plutôt que de vanter les mérites d’un « métro fluvial », les journalistes pourraient peut-être à leur tour se poser des questions sur le fait que sur ces quais en pleine requalification, de la Bibliothèque François-Mitterrand au Port d’Ivry, on n’ait pas pensé à réaliser des aménagements de voies de bus « comme à Paris » ou encore que personne n’ait « ramé pour convaincre de lancer un projet » efficace, comme un tram par exemple, c’est pourtant à la mode. Imaginez, une dérivation du T3, le tram des Maréchaux, pour desservir Seine-Amont ? Vous savez, il paraît que le tram c’est efficace et ça connaît un succès fou ;-)
Pour les vélos, on peut relire cette note-ci et pour les autos, cette note-là ;-)