de Manon Commaret et Pierrot Pantel
Essai, entretiens - 215 pages
Editions Rue de l'Echiquier - août 2020
Regards croisés et entretiens de dix personnes (dont seulement 2 femmes) ayant longuement réfléchi à la question : des scientifiques, mathématiques, écologistes, psychologues... Invités à répondre à un certain nombre de questions communes, ils évoquent chacun l'effondrement, leur vision du déclin à venir, leur analyse à l'aube du 1e confinement lié à la pandémie, comment aborder ces questions dans l'éducation des enfants.
Au dos de l'ouvrage, une question qui est à considérer comme le sous-titre du livre : "Comment vivre avec la perspective du basculement inéluctable de notre civilisation ?". Ces discussions sont une invitation à nous y projeter, nous forçant à abandonner nos attitudes de déni.
Extrait :
"Parmi les définitions existantes de l'effondrement, j'aime assez celle qu'a proposée Yves Cochet, à la fois suffisamment vague et suffisamment précise. Il parle d'un "processus à l'issue duquel les besoins de base (eau, alimentation, logement, habillement, énergie, mobilité, sécurité) ne seront plus fournis à une majorité de la population par des services encadrés par la loi". Vincent Mignerot, quant à lui, le définit comme le processus lors duquel les lois naturelles reprennent le dessus sur les lois de l'homme. J'ai ma propre définition : un processus incontrôlé à l'issue duquel une société passe d'un état d'hétéronomie à un état d'autonomie (anticipé et gérable ou contraint et chaotique). "Arthur Keller
De leurs témoignages et analyses, on peut détacher certains propos qui se confirment entre eux : la datation précise impossible mais la certitude d'un bouleversement négatif à venir, la nécessité de l'enseigner aux enfants en les sensibilisant aux savoirs pratiques et à l'amour qui maintiendra des liens salvateurs et préservera de l'accélération du chaos psychologique.On peut néanmoins, et c'est d'autant plus intéressant, lire des divergences sur l'approche du retour à la terre pour le recherche d'autonomie alors que les villes pourraient être plus résilientes, protégées, et ses habitants solidaires de moindres cibles aux pillages. Certains parlent encore de transition écologique qui pourrait avoir lieu grâce à la technologique, quand les autres rejettent ce terme, et appellent même à cet effondrement de la société contemporaine afin de rendre un dernier souffle à la vie sur Terre. Différents degrés d'optimisme, ou de lucidité...
Extrait :
"Que dire aux enfants ? Les préserver ou les préparer ? Comment ?
(....)Pour des parents conscients des enjeux et de l'espace des possibles, la tâche est ardue, mais de haute importance. Avant tout, il faut qu'il existe un équilibre émotionnel au sein de la famille, ce qui n'est déjà pas évident. Et ensuite, il faut préparer les enfants en les familiarisant peu à peu aux défis qui seront les leurs. Ils auront d'autant moins de deuils compliqués à effectuer qu'ils seront dès le départ conscients des combats à mener et des contraintes à gérer, qu'ils comprendront que le monde dans lequel ils vivent n'est pas un référentiel normal, mais une dégénérescence. Les enfants n'auront pas l'avenir que leurs parents voudraient qu'ils aient, prolongation généralement linéaire de leurs propres désirs. Plus tôt les parents acceptent cette idée, mieux ce sera pour leurs enfants, car il est potentiellement traumatisant de projeter sur eux nos rêves obsolètes. Les parents doivent saisir que ce qui représente un deuil pour eux, une perte, un sacrifice ou un sevrage ne l'est pas pour leur progéniture qui n'est pas encore toxicodépendante comme eux."Arthur KellerC'est un ouvrage vraiment intéressant, très abordable. Alors oui, c'est une lecture inquiétante, subjective pourrait-on dire pour se rassurer, mais je pense nécessaire. C'est déjà ça.
L'avis de Myriam Watson - Le suricate magazinePodcast transcrit- On fonce dans le mur