Ce qu'il faut de nuit

de Laurent Petitmangin

Roman - 180 pages

Editions La Manufacture de Livres - août 2020

Prix Fémina des Lycéens - 2020

Prix Stanislas 2020

Le père porte beaucoup sur ses épaules : ses deux fils grandissent dans leur ancien bassin minier de Lorraine, et sa femme se meurt. Il travaille comme cheminot et fait vivre tant bien que mal la petite unité syndicale. Mais après ce deuil, sa fragilité est mise à rude épreuve, et, si l'amour pour ses fils est salvateur, il le ronge également. Le cadet brillant élève, s'accroche pour vivre ses ambitions et passer les concours pour intégrer une grande école parisienne. Mais le Fus, l'aîné, le tant aimé, inquiète par ses nouvelles relations qui l'entraînent dans l'univers sombre de l'ultra droite violente...C'est un très très beau roman que ce livre, court, incisif, vibrant. Par les ellipses que l'auteur s'autorise, on suit ces trois hommes en mal de mère, en mal d'épouse, ces garçons taiseux mais profondément soudés. Année après année, les étapes de la vie conduisent aux séparations, séparations physiques ou juste sentimentales, jusqu'au drame. Extrait :"Août, c’est le meilleur mois dans notre coin. La saison des mirabelles. La lumière vers les cinq heures de l’après-midi est la plus belle qu’on peut voir de toute l’année. Dorée, puissante, sucrée et pourtant pleine de fraîcheur. Déjà pénétrée de l’automne, traversée de zestes de vert et de bleu. Cette lumière, c’est nous. Elle est belle, mais elle ne s’attarde pas, elle annonce déjà la suite. Elle contient en elle le moins bien, les jours qui vont rapidement se refroidir. Il y a rarement des étés indiens en Lorraine. On dit beaucoup de la lumière du nord de l’Italie en été, je veux bien le croire, je n’y suis jamais allé, mais je suis prêt à parier que la nôtre, pendant cette toute petite période, ces quinze jours d’avant la rentrée, à ce moment précis de la journée, la surpasse haut la main."Des mots sur la paternité qui se heurte à l'impuissance, le deuil anticipé qui doit se faire pour ses propres enfants, prêts à nous quitter, prêts à ne pas nous ressembler. ce père nous fait ressentir une extrême douleur, une souffrance sourde, l'empreinte de l'amour et l'ironie des destins. Un cheminot syndicaliste de Lorraine qui devrait composer avec l'engagement dans une milice d'extrême-droite de son fils : c'est beaucoup demander, c'est ajouter du feu au feu. Et le récit, dans une très belle langue contemporaine nous mène à la tragédie familiale. Alors oui, on dit "le" Jérémy, "la" moman, mais c'est ainsi, c'est l'écriture qui veut nous donner la Lorraine à l'oreille. Une histoire très introspective qui enferme dans ses bras une réalité sociale d'aujourd'hui.Football et kebab - En attendant NadeauL'avis de Maeve - Mille (et une) lectures de Maeve