1.Un emploi du temps surchargé, un stress presque permanent, le sentiment de perdre le contrôle de sa vie : quels conseils donneriez-vous à une personne prisonnière de sa propre vie ? Comment changer notre rapport au temps ?
Tout dépend des causes de cet emploi du temps surchargé. Est-ce pour obéir aux injonctions du moment, avec ce modèle sclérosant d'une vie réussie mêlant travail intensif, enfants courant – comme les parents – d'une activité à l'autre, biens matériels à profusion pour afficher son statut social ? Ou bien ce stress est-il dû à une antienne, apprise dans l'enfance, selon lequel « Prendre son temps c'est pour les fainéants, un être humain responsable se doit d'être – très – occupé » ? Ou encore multiplie-t-on les activités pour se sentir vivant, par peur du vide et, par extension, de la mort ? Quel que soit le cas de figure, il s'agirait tout d'abord d'en prendre conscience. Faire un peu d'introspection pour voir vraiment ce qui nous emprisonne : est-ce le temps ou notre vision du monde ? Et ensuite cette question cruciale : comment voudrions-nous vivre les choses autrement ?
2.Vous évoquez le tempérament colérique qui est le vôtre depuis toujours. Comment le dompter, ou comment l'accepter ?
L'accepter en effet, c'est le mot-clé. Cela ne signifie pas bien sûr s'abandonner à la colère et la déverser sur autrui. Mais savoir, en temps réel, comment elle apparaît et où elle se niche. Une émotion, quelle qu'elle soit, est une sensation physique. La première étape, la plus difficile, est donc d'accepter de ressentir. Dire « OK » à la colère qui est présente, plonger dans le corps pour l'accueillir physiquement. Cette émotion a sans doute de bonnes raisons de se manifester mais, sans aller plus loin dans l'analyse, elle a surtout besoin de ce qu'on appelle « l'accueil illimité » : prendre un moment pour sceller un accord, au cœur de l'être. Et cette pratique de la reconnaissance émotionnelle peut également être appliquée au stress du temps dont nous parlions plus haut.
3.Les outils numériques envahissent littéralement notre quotidien. Comment reprendre le contrôle ? Et voyez-vous des aspects positifs à cette « communication » permanente ?
Il y a indéniablement de très nombreux aspects positifs comme la création de liens sociaux (bien utiles en période de pandémie), le partage d'informations, la libération du travail de l'homme grâce à la robotisation, etc. Mais également des conséquences dramatiques sur la vie des individus. On pourrait en parler longuement. Le plus dangereux est selon moi le remplacement d'une vie incarnée par une vie virtuelle. Nous avons déjà tendance à vivre « dans notre tête », avec le numérique ceci est démultiplié. Avec le risque, à terme, de ne plus savoir quoi faire, comment se comporter dans le réel, là où les émotions se manifestent « pour de vrai ». C'est tout le challenge de la pratique de Zazen, la méditation zen : ré-apprendre l'ancrage dans le moment présent, celui-ci.
4.Face au dérèglement climatique, les humains sauront-ils, d'après vous, s'unir et adhérer à une cause commune ? Qu'est-ce qui pourrait déclencher cette adhésion ?
Il y a en l'être humain une tendance naturelle à la solidarité et à l'entraide. Être serviable, utile aux autres, ça rend heureux ! La société individualiste et consumériste de l'après-guerre semble avoir dissimulé cet état d'être mais les circonstances actuelles nous invitent à renouer avec le lien social. Il y va finalement de notre survie et je suis optimiste quant à notre capacité à le redécouvrir. On voit d'ailleurs fleurir un peu partout des éco-villages, des lieux éco-spirituels, comme la Ferme Kibo que je viens de créer en 2021. La tendance se répand comme une traînée de poudre et l'urgence climatique est le booster idéal pour nous mettre en mouvement. Je fais le vœu que cette solidarité se fasse avec le monde animal, si maltraité de nos jours.
Kankyo Tannier
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Source : Nouvelles Clés