Dans le cadre de la lutte contre la pandémie du coronavirus, le maire de Douala 1er prend une circulaire en date du 24 février 2021 qui ordonne la fermeture des écoles maternelles communales à compter du 1er mars jusqu’à nouvel ordre.
Entre temps, une autre note du même maire vient préciser le but et limiter la durée de la décision. Evocations ! Au sein du milieu éducatif et notamment chez les parents des enfants, la mesure est loin de faire l’unanimité. Les parents se plaignent du confinement de leurs enfants et surtout du programme scolaire que les touts petits ne pourront pas rattraper. La nouvelle arrive aux oreilles des délégués régional et départemental de l’éducation de base qui eux aussi se plaignent de ce que la mesure ait été prise sans leur avis et sans qu’ils aient une idée de comment les programmes vont être rattrapés. Le préfet du Wouri mis au courant, prend un arrêté qui rapporte la circulaire du maire.
Benjamin Mboutou qualifie le maire d’’incompétent dans son acte et dit devoir préserver l’ordre public. Des questionnements d’ordre juridique et notamment textuel sur la compétence de l’un et de l’autre se pose alors : le Maire de Douala 1er avait-il le droit de décider unilatéralement de la fermeture des écoles sans s’en référer aux autorités administratives et notamment le représentant de l’éducation de base dans sa circonscription municipale ?
Une intervention du Docteur Louison Essomba enseignant des sciences juridiques à l’Université de Douala, nous permet d’avoir une réponse assez nette à ce sujet : le maire a les compétences de police administrative qui lui permettent de prendre de telles décisions mais il aurait dû au préalable se référer aux autorités compétences en matière d’éducation de base, et pour le cas d’espèces aux délégués régional et départemental de l’éducation de base. Et pour le préfet, a-t-il le pouvoir de rapporter une telle décision ? Oui mais sauf qu’il aurait pensé à la cohésion de l’Etat en rappelant tout simplement le maire à une consultation privée, au lieu de rendre public un arrêté qui tend tout simplement à humilier le maire.
Ce que disent les textes…
Selon la chronique de Roland Tsapi publiée sur son site web Roland Tsapi.com, le maire de la commune d’arrondissement de Douala 1er aurait attaqué les abeilles en signant sa note de service. Soit il avait oublié qu’il était dans un Etat, soit avait-il pensé qu’il était dans un Etat unitaire décentralisé où des compétences sont définitivement transférées aux communes et aux régions. Et selon l’article 161 du Code général des collectivités décentralisées en effet, les compétences suivantes sont transférées aux communes : en matière d’éducation, la création, conformément à la carte scolaire, la gestion, l’équipement, l’entretien et la maintenance des écoles maternelles et primaires et des établissements préscolaires de la commune ; le recrutement et la prise en charge du personnel et enseignant d’appoint desdites écoles, l’acquisition du matériel et des fournitures scolaires entre autres. Mais l’interventionnisme des autorités étatiques est venu rappeler au maire que l’Etat tient encore les reines et que la dernière décision lui revient.
L’article 39 invoqué par le préfet pour rapporter la décision dit «
1- Les collectivités
territoriales décentralisées exercent leur missions dans le respect de la constitution, des lois et des règlements en vigueur,
2- Aucune collectivité territoriale ne peut délibérer en dehors de ses réunions légales, ni sur un objet étranger à ses compétences ou portant atteintes à la sécurité de l’Etat, à l’ordre public, à l’unité nationale et à l’intégrité du territoire.
3- En cas de violation par une collectivité territoriale des dispositions de l’alinéa 1 ci-dessus, la nullité de la délibération ou de l’acte incriminé est constatée par arrêté du représentant de l’Etat, sans préjudice de toute autres sanction prévues par la législation en vigueur, 4- le représentant de l’Etat prend à cet effet, toute mesure conservatoire approprié »
La condescendance des autorités administratives Selon la même chronique juridique susévoquée plus haut, le maire avait-t-il compétence pour prendre une telle décision ? La réponde c’est oui. Sa décision portait-elle atteinte à la sécurité de l’Etat, à l’ordre public, à l’unité nationale et à l’intégrité du territoire ? Cela est discutable. Avait-il l’intention de porter atteinte à l’ordre public ou à l’unité nationale ? A ce niveau il bénéficie encore de la présomption de bonne foi ; il croyait sauver des vies d’après ses notes. Malheureusement, la sortie du préfet Benjamin Mboutou traduit encore et toujours l’arrogance et la condescendance qu’ont souvent les autorités administratives vis-à-vis des élus locaux. Le but n’est autre que d’humilier le maire, et pas seulement, de rappeler à tous les élus locaux que l’Etat reste tout puissant et décide de tout.
Pareille situation a été vécue dans l’arrondissement de Njombe Penja entre juin et novembre 2020, où le maire s’opposait à l’exploitation anarchique des carrières sans retombées pour les populations locales. La cause défendue était noble et louable, mais l’Etat n’a pas manqué de lui rappeler que c’est lui le plus fort, en déployant justement les forces de l’ordre pour aller déloger les adjoints au maire qui faisaient le sit-in sur le site afin d’empêcher le mouvement des camions, et le même code sur la décentralisation était à chaque fois évoqué.
En tout état de cause, l’épisode des écoles communales de l’arrondissement de Douala 1er vient une fois encore rappeler à l’opinion à quel point la décentralisation demeure balbutiante dans notre pays, et que le processus est loin d’avoir abouti, 25 ans après l’introduction de cette notion dans la loi fondamentale, la Constitution camerounaise. Le maire quant à lui aurait dû se référer aux responsables de l’éducation de base de sa circonscription municipale avant de prendre une telle décision. Cela n’aurait pas fait tant de bruit. Le préfet est alors perçu comme juge et arbitre
de l’acte pris l’autorité municipale.