Blanche, de Catherine Blondeau (éd. Mémoire d'encrier)

Publié le 04 mars 2021 par Onarretetout

De chapitre en chapitre, nourrissant son expérience personnelle, son évolution sociale, de textes, de musiques et de rencontres, Catherine Blondeau dessine un parcours dans les questions des différences. Et des questions, il y en a ! On a beau essayer de les balayer : tous pareils, tous différents, tous égaux, l’Europe, l’Afrique, la couleur de peau, l’esclavage, le mot « nègre », les races, les autres, les ancêtres, etc. On a beau essayer de les balayer, elles reviennent. Et moi, quelle est ma légitimité ?

Catherine assume le fait de s’exprimer à la première personne, première parce qu’elle s’exprime depuis elle-même, depuis l’enfance. Mais aussi parce que son récit va la mettre en dialogue avec d’autres : moi, elle, lui. Dialogues qui vont empêcher à chaque fois une conclusion hâtive et relancer la quête. Qu’est-ce qu’être blanche ?
James Baldwin dit, dans le film de Raoul Peck, I Am Not Your Negro, qu’il a découvert vers l’âge de neuf ans qu’il était noir ; auparavant, ses héros étaient les cow-boys et les héros des films hollywoodiens. Quand Catherine Blondeau se découvre blanche, elle se dit qu’avant, elle n’était « d’aucune couleur particulière ».

« D’où qu’on parle, il y a Nous et il y a les Autres ».

Voilà sans doute le point principal : il y a Nous et les Autres. Qui est ce Nous ? Nous les hommes ? Nous les femmes ? Nous les Blancs ? Nous les Noirs ? Et peut-être même faut-il poser la question dans un autre ordre : Nous les femmes ? Nous les hommes ? Nous les Noir.e.s ? Nous les Blanc.he.s ? Des individus ? Séparés ? Inconciliables ? Héritiers ? Responsables ? 

Qui est ce Nous ?
Catherine Blondeau écrit : « J’ai un problème avec la première personne du pluriel ». Parce que ces « Nous » qu’elle cite revendiquent leur place parmi les êtres humains, à égalité. Mais qu’ils peuvent aussi être une façon d’exclure les Autres. Est-ce le même « nous » ?
J’ai lu dans un livre de Marielle Macé, Nos cabanes, une définition du « nous » : elle dit que nous est « un sujet collectif et non un collectif de sujets », que ce n’est pas plusieurs « je » mais un « je dilaté », des gens « avec qui » faire, dire.

Et je retrouve dans le livre de Catherine Blondeau ce chemin qui mène à la relation, ou, pour reprendre le texte qu’elle cite d’Édouard Glissant, qu’on peut lire au Mémorial de l’abolition de l’esclavage, à Nantes : « L’oubli offense, et la mémoire, quand elle est partagée, abolit cette offense. Chacun de nous a besoin de la mémoire de l’autre, parce qu’il n’y va pas d’une vertu de compassion ou de charité, mais d’une lucidité nouvelle dans un processus de la Relation. » Relation qui consiste à « relier, relayer, relater ».