Pour cause, les deux parties ne s’accordent pas sur celui qui est le véritable propriétaire du site prévu pour accueillir les commerçants déguerpis du parc à bois de Messa en 2009 dans cette localité du département de la Lékié, région du Centre.
Le Cameroun a mal à ses terres. Dans presque toutes les régions, villes et tous les villages du pays, les problèmes de litige foncier sont légions au point de devenir le quotidien de nombreux citoyens. Cette fois, c’est la mairie d’Okola qui est à couteaux tirés avec la famille Lemana à Leboudi, dans le département de la Lékié. Ici, la situation est tellement tendue qu’un bain de sang est possible eu égard des nombreuses menaces et promesses du pire qui se font ci et là. En effet, les deux parties sont en désaccord pour le recasement des commerçants du parc à bois de Messa déguerpis en 2009 dans l’optique de donner un nouveau visage à la capitale politique du Cameroun. Mais le site sollicité par bon nombre de ces commerçants pour la poursuite de leur activité commerciale à Leboudi, fait l’objet d’un litige entre la famille Lemana et la mairie d’Okola. C’est d’ailleurs ce que raconte Sylvain Henri Beng, le 4e adjoint au maire d’Okola, chargé des constructions dudit marché.
« En 2009, les commerçants de Messa étant déguerpis, certains sont venus à Okola rencontrer le maire et on avait fait une tripartite à laquelle ont pris part la mairie, les commerçants et les riverains qui étaient représentés par l’ancien chef de groupement, Nkolewolo Jean. Et à l’époque, on reversait de l’argent aux riverains chaque mois à hauteur de 5000 Fcfa par espace et ces reversements ont été effectifs jusqu’en 2017 date à laquelle lors d’une réunion à Leboudi, le sous-préfet a demandé qu’on ne reverse plus rien que c’était le site de l’Etat parce qu’il avait été déclaré d’utilité publique et que les riverains devaient attendre leurs indemnisations », relate-t-il. Mais, poursuit-il, « le problème qui se pose à Leboudi, c’est le fait que certains ont pensé que c’est leur terrain alors que ce ne l’était pas ». Il s’agit de la famille Lemana qui narre plutôt une histoire qui bat en brèche celle relatée par le 4e adjoint au maire d’Okola. « Le maire qui était là à l’époque, monsieur Ndzana Omboudou, m’a dit qu’il veut délocaliser les vendeurs de bois pour mettre les vendeuses de vivre. Je lui ai dit que je n’avais pas de problème pourvu que je sente quelque chose dans mes poches. Il m’a demandé si j’ai le titre foncier. Je lui ai dit que nous n’avons pas de titre foncier ; qu’on a l’intention d’en établir. Il me dit alors que, comme vous n’avez pas de titre foncier, je peux faire du terrain, ce que je veux. C’est là que commencent les problèmes », dixit le représentant de la famille Lemana.
Déclaration d’utilité publique
Et d’ajouter « une procédure d’immatriculation avait été initiée en 2010. Mais étrangement, la procédure a été suspendue alors qu’il ne devrait pas en être ainsi ». Mais à la mairie d’Okola, les autorités municipales disent agir en toute légalité car disent-elles « un premier arrêté de Déclaration d’utilité publique (Dup) a été signé en 2012 par l’ancien ministre en charge des Domaines, du cadastre et des affaires foncières » et « il a été renouvelé le 09 février 2021 peu après les travaux engagés par la mairie ». Le 4e adjoint au maire d’Okola soutient alors que la famille Lemana ne doit plus rien faire sur ce terrain puisque c’est déclaré d’utilité publique.
Cependant, l’adversaire à la mairie d’Okola estime qu’elle a été flouée puisque la loi n° 85-09 du 4 juillet 1985 relative à l’expropriation pour cause d’utilité publique et aux modalités d’indemnisation, et son décret d’application de 1987, n’ont pas été respectés même s’il reconnaît avoir reçu 280 000 Fcfa pour avoir détruit les cultures présentes sur le terrain. Face à cette situation qui a déjà on ne peut plus trop durer, les parties en opposition soutiennent qu’elles sont allées rencontrer le ministre Henri Eyebé Ayissi, chacune à son tour. Ce dernier avait alors saisi le délégué départemental du Mindcaf dans la Lékié. Une commission de constat a été créée ; il y a eu des concertations avec les autorités municipales et administratives mais elles se sont soldées par des échecs.
Batailles juridico-administratives
La commune dit avoir même proposé dix boutiques à la famille Lemana afin de compenser les pertes économiques relatives à cette expropriation ; une fois de plus, celle-ci a rejeté la proposition car selon elle « la mairie n’a pas de bonnes intentions » puisque la façade avant de son autre terrain qui donne sur la route principale, a été terrassée sans son avis ». Et pour elle, c’est « une preuve de plus que la mairie est dans un marché de dupes ». Bien que l’affaire soit connue des services juridiques du ministère des Domaines, du cadastre et des affaires foncières (Mindcaf), les responsables se confinent à dire que l’arrêté de Déclaration d’utilité publique peut être renouvelé autant de foi que l’Etat le souhaite. Mieux, une fois que cet acte est pris, aucune autre mise en valeur ne peut être effectuée.
Entre cette succession de batailles juridico-administratives et tentatives de conciliation tantôt avortée tantôt infructueuse, la mairie d’Okola reste dans l’incertitude d’achever paisiblement la construction de près de 1000 boutiques qu’elle a entreprise dans la ville d’Okola (Leboudi y compris) puisque la famille Lemana se dit déterminer et engager à installer les commerçants dans les boutiques qu’elle aura elle-même construite sur l’espace qu’elle dit être la sienne. L’arbitrage d’Henri Eyebe Ayissi reste une fois de plus attendu pour éviter une effusion de sang dans cette localité du département de la Lékié, région du Centre.