Un enfant vient au monde tout crotté de sang et d'excréments, et cependant je ne connais pas de toute la vie de moments plus beaux, plus bouleversants, qu'une naissance. Ne t'en fais pas mon petit, mon trésor précipitons nous aussitôt, le visage baigné de larmes, on va te nettoyer de tout ça et tu vas grandir dans la lumière. Par la suite, inlassablement, me dis-je, nous nettoyons l'enfant de toute la merde qu'il produit, les couches-culottes, les crottes de nez, les oreilles, les yeux, les ongles...Inlassablement nous le nettoyons pour l'élever, le hisser toujours plus haut qu'il ne l'est en réalité, qu'il grandisse dans la beauté, dans une belle image de soi, et que plus jamais la merde qui nous est inhérente ne puisse le recouvrir. Élever un enfant, me dis-je, c'est lui apprendre à porter avec légèreté, avec élégance, cette part d'ombre et nauséeuse que chaque être contient et avec laquelle il lui faut cheminer et composer toute sa vie. Ce que nous appelons par un raccourci "notre propre merde", n'est ce pas, chacun y range ce dont il ne lui viendrait pas à l'esprit de se vanter, mais qui parfois le rattrape, le jetant dans un profond désespoir...
Lionel Duroy, Colères
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