Pour te rappeler que tu es en vie
va sur la tombe de ton père
à midi après avoir fait l’amour
encore nimbé d’une odeur
mammifère que tu es contraint de chérir.
Sous chaque pierre gît l’inévitable
surprise commune, la mort inattendue
de l’être biologique qui bien sûr s’est battu bec et ongles.
Et puis rentre chez toi sans te retourner
vers ce cimetière qui disparaît, trop c’est trop,
mais arrête-toi en chemin pour acheter le meilleur vin
possible et douze balais à poil dur.
Après quelques gorgées, flanque le mobilier
par la fenêtre et mets-toi à balayer.
Balaie jusqu’à avoir ôté la peinture
des murs et à tes pieds balaie
le plancher jusqu’à ce qu’il n’en reste rien. Finis le vin
dans ce champ aéré, retourne au cimetière
dans l’obscurité et tresse entre les pierres
la danse lente de ton nom seulement visible des oiseaux.
*
Broom
To remember you’re alive
visit the cemetery of your father
at noon after you’ve made love
and are still wrapped in a mammalian
odor that you are forced to cherish.
Under each stone is someone’s inevitable
surprise, the unexpected death
of their biology that struggled hard, as it must.
Now to home without looking back,
enough is enough.
En route buy the best wine
you can aff ord and a dozen stiff brooms.
Have a few swallows then throw the furniture
out the window and begin sweeping.
Sweep until the walls are
bare of paint and at your feet sweep
until the floor disappears. Finish the wine
in this field of air, return to the cemetery
in evening and wind through the stones
a slow dance of your name visible only to birds.
***
Jim Harrison (1937-2016) – Songs of Unreason (Copper Canyon Press, 2011) – Une heure de jour en moins (Flammarion, 2012) – Traduit de l’anglais (Etats-Unis) par Brice Matthieussent.