qui court sur la route bleue,
en se disant crois,
et à l’autre soi-même, attends un peu,
allons avec nous au bois nous promener
et observer des feuilles sans importance.
Je voudrais être une étoile
courant au firmament,
à la recherche d’un nid précis.
Elle trouve soi-même et l’eau déserte sur la terre,
personne n’a entendu dire qu’une étoile grince,
elle est destinée à réconforter les poissons par son silence.
J’ai encore une doléance,
je ne suis pas tapis, ni hortensia.
Je voudrais être un toit
qui s’effrite graduellement,
que la pluie détrempe,
qui ne meurt pas en un instant.
Je n’aime pas être mortel,
je voudrais être précis.
Beaucoup, beaucoup, croyez-le, sont plus chanceux,
particule du jour, unité de la nuit.
Je voudrais être un aigle
qui survole sommets et sommets
et dont l’esprit voit
l’homme examinant un pas.
Vent, asseyons-nous tous deux
sur ce petit caillou de la mort.
Je voudrais être une coupe :
je n’aime pas n’être pas pitié.
Je voudrais être un buisson
qui de feuilles s’est armé.
Il m’est dur d’être avec les minutes,
elles m’ont terriblement embrouillé.
Je suis vraiment outragé
d’être visible en vérité
j’ai encore une doléance,
je ne suis pas tapis, ni hortensia.
Je m’effraie de ne pas bouger
différemment des scarabées, scarabées,
comme les papillons, les voitures de bébé
et comme les scarabées araignées.
Je m’effraie de me déplacer
différemment du ver,
il creuse ses gîtes souterrains
en conversant avec la terre.
Terre comment ça va,
lui dit le ver froid,
mais la terre occupée par les défunts
répond peut-être en ne disant rien,
elle sait que rien ne va.
Il m’est dur d’être avec les minutes,
elles m’ont terriblement embrouillé.
J’ai peur de ne pas être herbe herbe,
j’ai peur de n’être pas bougie.
J’ai peur de n’être pas bougie herbe,
à cela je répondis,
à l’instant les arbres se balancent.
Je tremble car je regarde
deux choses qui se ressemblent
et ne vois pas leur différence,
que chacune vit une fois.
Je tremble car je regarde
deux choses qui se ressemblent
et ne vois pas qu’elles s’efforcent
avec ferveur d’être semblables.
Je vois un monde déformé,
j’entends chuchoter des lyres étouffées,
et prenant le bout d’une lettre
je ramasse le mot armoire,
je mets l’armoire en place
elle est pâte abrupte de substance.
Je n’aime pas devoir périr,
je me plains de n’être pas précis,
beaucoup, beaucoup, croyez-le, sont plus chanceux,
particule du jour, unité de la nuit.
J’ai une autre doléance
je ne suis pas tapis ni hortensia.
J’irai au bois avec moi
observer des feuilles de rien,
je suis peiné car sur ces feuilles
je ne verrai pas les mots discrets
qui se nomment hasard, qui se nomment immortalité,
qui se nomment aspects des fondements.
Je voudrais être un aigle
qui survole sommets et sommets,
dont l’esprit voit l’homme penché sur des enjambées.
J’ai peur car tout arrive à se décrépir,
et moi comparé à cela je ne suis pas une rareté.
Vent, asseyons-nous tous deux
sur ce petit caillou de la mort.
Alentour l’herbe pousse comme une bougie
en un instant les arbres ont frémi.
Je voudrais être une semence,
j’ai peur de n’être pas fertilité.
Le ver trouve tout le monde
il porte le son unique.
J’ai peur d’être incertitude,
je voudrais être feu.
1934
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Alexandre Vvedenski (1904-1941) – Poèmes – PO&SIE N°96 (2001) – Traduit du russe par Madeleine Lejeune.