Pour quelqu’un qui regarde avec une certaine bienveillance, mais aussi beaucoup d’indifférence, la tension équilibriste de la
machine républicaine, ces minuscules réajustements, voire ces francs pinaillages, autour de ce qui est quand même appelé, excusez du peu comme on dit, « réforme des institutions » tiennent tant
de l’absurdité que de l’éblouissement, tellement un tel affairement, une telle agitation devant des broutilles semblent aussi vains que délicieux.
Passons outre les subtilités symboliques : le jour mensuel offert à l’opposition pour définir l’ordre du
jour des Assemblées, le référendum d’initiative populaire ou le droit de regard des Assemblées sur les nominations, ne sont pas pour changer la face de la République, aussi charmantes soient
elles.
Mais sait-on jamais, après tout, avec la monstruosité des rouages républicains, certaines mesures d’abord
insignifiant trouvent parfois une ampleur inattendue. Je ne crois pas que MM. Chirac et Jospin mesuraient le déséquilibre que le quinquennat et l’inversement du calendrier allaient provoquer, qui
motive aujourd’hui cette « réforme ».
C’est pourquoi on peut se demander si l’intervention du Président de la République devant le Parlement, au-delà même de l’aspect cérémonial de l’exercice, et de l’étrangeté que cette
intervention ne soit pas suivie de questions, ne procède pas d’un glissement presque imperceptible qui l’institue de fait comme chef de la majorité.
C’est pourquoi aussi, et surtout, on peut s’interroger sur le fait que la discussion en séance portant sur le projet amendé par la commission et non plus sur le projet de loi n’entérine
une pratique qui a déjà cours, pour le confort et la commodité qu’elle représente pour les députés, mais qui revient à une confiscation par des spécialistes contraire aux principes républicains.
Si cette mesure va servir à camoufler le vide éloquent des bancs de l’Assemblée lors des séances, il n’en reste pas moins que la nomination de ces « spécialistes », qui s’ils sont élus en tant
que députés, ne le sont pas en tant que membres des commissions, mais nommés sur proposition des présidents de groupe, devrait pour le moins chiffonner les tatillons de la démocratie. Que les
parlementaires passent l’air de rien d’un travail politique à celui de gestions de dossiers me semble être un point discutable et je m’étonne, précisément, qu’il ne le soit pas. Car c’est masqué
qu’un gestionnaire s’avance, avec une façade d’objectivité lors même qu’il est pétri, embourbé dans ces convictions idéologiques, qui, si elles ne sont plus affichées, ne se discutent plus et
infusent sournoisement sans avoir l’air d’y toucher.
Mais enfin la réforme est votée… Reste à suivre avec la même indifférence et le même amusement curieux les
effectuations de cette réforme, le vote des lois organiques qui vont lui succéder, les conséquences dans l’équilibre du monstre républicain, la vague d’échos dans les détours, les méandres, les
encombrements d’une société qui se traîne et qui s’accroche à tout ce qu’elle peut pour ne pas s’effondrer, envisageant chaque arbre pour ne pas voir la forêt.