"Le gouvernement bouge sa dame", commente le gros titre
En haut, à droite : "obtenir un créneau : l'odysée"
Devant la révélation des vaccinations accordées par privilège par le ministère de la Santé à une dizaine de personnalités en vue à gauche à Buenos Aires et à La Plata, le président Alberto Fernández a réagi avec une rapidité à laquelle les Argentins ne sont guère habitués en cas de scandale politique : il a fait démissionner le ministre dans la journée même et l’a aussitôt remplacé.
Particulièrement malvenu au
début de cette année de campagne électorale de mi-mandat, le
scandale est arrivé d’où on ne l’aurait pas attendu et montre
la déconnexion de la réalité dont souffrent certains vieux membres
des cercles de la majorité : c’est Horacio Verbitsky lui-même
(79 ans), très célèbre journaliste d’ultra-gauche et président
d’un organisme de défense des droits de l’homme, qui a révélé
avoir bénéficié d’une vaccination hors des circuits mis en place
par les pouvoirs publics alors même que son âge le plaçait dans
les publics prioritaires et qu’il suffisait donc qu’il se montre
patient comme n’importe lequel de ses concitoyens. D’après le
ministre débarqué, c’est l’une de ses secrétaires privées qui
se serait emmêlé les pinceaux et aurait court-circuité le parcours
officiel au bénéfice de ces quelques personnalités bel et bien
prioritaires mais connues pour leur militance politique et/ou
syndicaliste.
"A cause du scandale de la vaccination VIP,
le ministre González García prend la porte"
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Dans le reste de la population, se faire vacciner relève encore de l’exploit : pas assez de doses tout de suite par rapport au nombre de personnes prioritaires qui veulent s’inscrire et des systèmes de réservation de créneaux qui buguent ou qui explosent comme dans beaucoup d’autre pays, y compris en Europe. Ce sont souvent les enfants adultes qui piaffent devant leur écran ou leur téléphone pour tenter d’obtenir un rendez-vous pour leurs parents pendant des heures et sur plusieurs jours ou semaines. Alors les petites manip au Ministère font très mauvais effet : le président l’a parfaitement compris et, pour trois vaccinations clandestines, a pris ses dispositions.
Exit donc Ginés González García dont la gestion de crise devant la pandémie et les erreurs d’appréciation qu’il avait faites en février-mars de l’année passée à ce sujet lui valaient d’être très contesté, malgré son métier initial (il est médecin). Il semblerait que le ministre se soit constitué une caisse noire vaccinale en prélevant 3 000 doses de Sputnik V pour en faire un usage discrétionnaire selon un schéma venu d’une très ancienne tradition de corruption gouvernementale qui remonte à l’époque coloniale et dont l’appareil d’État argentin a bien du mal à se défaire.
Son portefeuille est repris par
Carla Vizzotti, jusqu’à présent secrétaire d’État à l’Accès
à la santé. Deux autres des vaccinés VIP devaient accompagner le
président dans un tout prochain déplacement au Mexique en leur
qualité de parlementaire. Hier, ils ont été écartés de la liste
des participants (1). L’un des deux a osé déclarer
qu’il n’avait pas eu conscience de commettre quelque chose
d’illégal !
"Ginés est mis à la porte du ministère de la Santé
à cause du scandale de cabinet de vaccination VIP"
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Quant aux salariés du CELS, l’ONG présidé par Verbitsky, ils ont fait paraître sur les réseaux sociaux de l’organisme un communiqué pour condamner l’abus commis par leur président. Une première là encore ! Página/12, dont Verbitsky a longtemps fait partie de la rédaction, n’est pas en reste et consacre plusieurs articles à ce scandale qui affecte le gouvernement que le quotidien soutient. Le journaliste a été radié des cadres de la radio où il officiait jusque ici.
La nouvelle ministre doit prêter serment devant le président cet après-midi à 17h à la résidence de Olivos, dans la grande banlieue chic de Buenos Aires.
© Denise Anne Clavilier www.barrio-de-tango.blogspot.com
Pour aller plus loin :
lire l’article principal de La Prensalire l’article principal de Clarínlire l’article principal de La Nación
(1) Ce voyage officiel est atteint d’un autre scandale : un aide-de-camp du président en partance pour Mexico pour préparer le déplacement a été arrêté hier à l’aéroport de Buenos Aires lorsque les systèmes de contrôle des bagages ont découvert dans sa valise une arme qu’il n’avait pas déclaré à l’enregistrement. Il a été aussitôt démis de ses fonctions auprès du président.