Il s'agit de "Life is So good", co-écrit par Georges Dawson (le narrateur - analphabète) et Richard Glaubman (son ami - le poseur de mots sur papier).
Georges Dawson est, comme le dit la 4ème de couv' éditée en 2000, "né au Texas, il y a 102 ans..."
Alors je ne sais pas pour vous, mais moi, rien qu'en lisant ces quelques mots, et bien ma petite moustache de souricette lectrice est toute frétillante de bonheur...
Je repense à certaines oeuvres de Toni Morrison, à "La Couleur Pourpre", je vois des chemins de sable au milieu de champs de blé et de coton écrasés par le soleil, des charriots trainés par des mules nonchalantes, j'entends des vieux blues, je sens l'odeur des tartes dans les vieux fourneaux à bois, les gamins qui courent derrière des cerceaux...Bref, des images surannées d'un lieu et d'une époque que je n'ai pas connus mais qui me passionnent dans l'imaginaire.
Et je pense tout de suite aussi à la ségrégation, à la Guerre de Sécession, aux Strange Fruits des arbres morts... Tout un pan de l'histoire américaine qui demeure sombre et troublant.
Et ce qui est bien avec l'écriture de Richard Glaubman, c'est qu'elle est franche et rapide. On est plongé directement dans l'histoire de la vie de Georges, gamin noir qui part travailler pour la récolte du coton avec son père dès l'âge de 4 ans. Pas de chichi. Dès la première page, on est catapulté en 1908 dans le petit bled de Marshall, Texas, et on accompagne le petit Georges dans la découverte de l'injustice...
Ce récit évite le grand sentimentalisme, les drames, les pleurs sans fin et le faux suspens. On n'est pas dans "Roots"et c'est ce qui fait son charme.
Georges nous parle, calmement et sûrement de ses "aventures" mais aussi et surtout de ses choix de vie.
On le suit depuis son enfance et son adolescence passées dans les champs et à la ferme (de son père puis d'un riche propriétaire blanc). Puis on l'accompagne dans ses "errances" à travers les états jusqu'au Canada (où il se rend "juste pour voir la neige"). Sa vie de hobbo est loin dêtre celle de Jack London, c'est sûr. Les nuits qu'il passa à Saint-Louis restèrent sages en comparaison des possibilités de dévergondage qu'elles proposaient...
Puis, on le retrouve dans un temps "présent", où à l'âge de 98 ans, il décide de prendre le chemin de l'école
Ce qu'on pourrait regretter évidemment, c'est le manque d'engagement de cet homme pour la cause des Noirs durant toute sa vie. Il est passé à côté de l'Histoire avec un grand H finalement. Et c'est ce qu'il faut savoir en lisant ce bouquin-là : on est dans la vie de monsieur tout le monde. Pas de suspens, pas de tension ou d'attente. Georges est resté serein et calme la plupart du temps. On dirait de lui : il a suivi son petit bonhomme de chemin. Il avance doucement et sans vague. C'est ce qu'il nous dit et au regard de son récit, on le croit.
"Life is So Good" est au final un petit livre reposant. Il dégage un message ultra optimiste sur la vie. Il prône la bonté dans les rapports, la réflexion dans l'action, la compréhension de l'Autre...
Toutefois, si l'on voulait être un peu pernicieux, on pourrait avancer que ce livre est très "politiquement correct"... On pourrait dire que ce que nous confie ce bon vieux Georges finalement, c'est que pour avoir une bonne et longue vie, il faut rester à sa place... et ne pas trop l'ouvrir.
Mais respectons les bonnes paroles que Georges nous a laissées en se disant que malgré un départ pas évident dans la vie et malgré l'adversité du monde, ce petit bout de zan centenaire a su mener sa barque bien tranquillement d'une rive à l'autre, en ne cessant ni d'apprendre ni de donner.