Chroniques d’un anthropologue au Japon (37)

Publié le 15 février 2021 par Antropologia

Tout sur Marie

L’université dans laquelle je travaille à Osaka, m’a gentiment proposé de récupérer des livres à la bibliothèque qui allaient être « recyclés ». J’ai ainsi pu mettre la main sur plus d’une centaine de Pléiades, jamais ouverts. La gestion des budgets de l’université restera à jamais un mystère pour moi. Toujours est-il que le trésor m’est revenu, et que dans le lot se trouvait des joyaux de la littérature chrétienne : trois tomes remplis de pseudépigraphes traduits en français.

Deux textes, issus des Écrits apocryphes chrétiens, tome 1, le « Protévangile de Jacques » en grec, et sa réécriture latine intitulée « Évangile de l’enfance du pseudo-Matthieu », permettent de répondre à bien des questions que l’on se pose sur la vie de Marie, la sainte mère du Christ. On y lit que la vierge fut consacrée à Dieu pour remercier le Très-haut d’avoir rendu Anne, sa mère, féconde. On pense à Sarah qui enfanta Isaac malgré sa stérilité. On y apprend ensuite que Marie doit quitter le temple où elle exerce, à cause de son passage à l’âge adulte. Douze ans, et toutes ses dents. Ceux qui se demandent encore si Joseph fut par la suite l’outil de Dieu dans l’acte de procréation seront déçus d’apprendre ici que le responsable n’est autre qu’un ange envoyé par le Tout-Puissant. Le Pseudo-Matthieu est bavard sur la question, puisqu’il décrit la scène bien plus explicitement que ne le fait son modèle grec. Page 129, Alors qu’elle travaillait la pourpre de ses doigts, il se présenta à elle un jeune homme dont la beauté ne pouvait être contéeMarie fut prise d’effroi et tressaillit. On comprend que Joseph ait eu quelque doutes une page plus loin sur la chasteté de la jeune fille. Il est possible que n’importe qui se soit fait passer pour un ange et l’ait séduite. Il est aussi amusant de lire dans ces textes, qu’avant de prendre Marie en mariage Joseph était son père adoptif. Et que, selon les mots du Pseudo-Matthieu, la fillette, lorsqu’elle entrait dans la famille de Joseph, serait même plus jeune que ses propres petits enfants.

Finalement, et ce n’est pas rien, puisque nous en avons tous un jour douté, les deux textes apportent la preuve tangible de la virginité de Marie, même après son accouchement. Je cite, page 100, aussi vrai que vit le seigneur, si je n’y mets pas mon doigt et n’examine sa nature, je ne croirai nullement qu’une vierge ait enfanté. Marie, dispose-toi ; car ce n’est pas un petit débat qui se présente à ton sujet. Et Marie, ayant entendu cela, se disposa. Et Salomé mît son doigt dans sa nature. Dieu ne semble guère apprécier que sa vierge se fasse toucher de la sorte par Salomé et que l’on ait testé les limites de sa parole : « Malheur à mon iniquité, parce que j’ai tenté le Dieu vivant. Et voici que ma main, dévorée par le feu, se retranche de moi. »

Rémi Brun