Quelle est la hauteur en loi Carrez ? Quelle mesure faut-il respecter pour ne pas être hors la loi ?
Voilà la question que j'ai été amenée à me (re-)poser récemment lors de la visite d'une maison.
Voilà le tableau : une petite maison avec deux chambres de 60 m² situé entre Caen et la mer - la zone préférée de tous les acquéreurs et de tous les locataires dans mon coin 🙂 . Pour une fois, peu de travaux : un coup de peinture, une cuisine aménagée et c'est tout.
Le hic, je le trouve dans la cuisine justement : la hauteur sous plafond me semble un peu juste. Et bien que cela fait des années que j'investis dans la pierre, j'ai un doute : le plafond est-il-assez haut du point de vue de la loi Carrez ? Même si, comme vous allez le voir, on ne peut pas réduire le sujet à cette seule réglementation.
M'étant replongé dans le sujet, je me suis dit pourquoi ne pas vous en faire profiter ?
Qu'est ce que la loi Carrez ?
La loi dite Carrez tient son nom de son auteur (comme souvent), le député Gilles Carrez. Cette loi permet à l'acquéreur d'un bien immobilier de connaître la surface du bien. La surface Carrez doit donc figurer dans l'acte de vente.
Il est à noter que la surface privative mesurée en " Carrez " doit également être mentionnée dans le règlement de copropriété ainsi que dans les hypothèques.
Vous retrouvez le texte de la loi Carrez sur Legifrance en cliquant ici. Il s'agit de la loi n° 96-1107 du 18 décembre 1996 qui constitue aujourd'hui l'article 46 de la loi du 10 juillet 1966 sur les copropriétés.
Cette mesure est obligatoire dans l'acte de vente sous peine de nullité. L'action en nullité peut être intentée dans le délai d'un mois après la signature de l'acte authentique.
Si une erreur est constatée sur cette surface, une action en réduction de prix peut être engagée comme nous allons le voir ensuite.
Il est important de relever que cette erreur peut être volontaire ou involontaire.
Attention, il y a un faux ami ici : certains évoquent la loi Carrez pour ce qui concerne l'obligation de fournir une attestation de surface aux locataires mais il s'agit en fait de la loi Boutin. On parle ici de surface habitable afin de fournir un logement décent. La hauteur sous plafond doit être alors d'au moins 2,20 m, la surface d'au moins 9m² pour un volume total de 20 mètres cubes.
Présenté comme cela, le dispositif a le mérite de la simplicité : pour vendre ou louer votre bien, vous devez disposer de sa surface et le faire inscrire dans l'acte de vente.
Mais que dit précisément cette loi, notamment la loi Carrez sur la hauteur ? C'est ici que cela se complique un peu.
Quels biens sont concernés ?
Il s'agit de tous les biens situés dans une copropriété, ce qui élimine de facto les maisons individuelles ou les terrains nus.
En revanche, on ne retient pas les caves, garages, balcons, terrasses ou emplacements de parking. On ne retient pas davantage les lots dont la surface est inférieure à 8 m², à l'exception des loggias.
Que se passe-t-il en cas d'erreur de mesurage de la loi Carrez ?
La loi tolère un taux d'erreur de 5 % sur la surface totale. Par exemple, vous vendez un bien qui affiche 50 m². Si l'erreur est supérieure à 2,50 m², cela peut vous compliquer la vie...
Il faut alors distinguer deux situations :
- si la surface est inférieure de plus d'un vingtième à celle exprimée dans l'acte authentique, une action en réduction du prix peut être engagée par l'acquéreur, et ce dans le délai d'un an après la signature de l'acte. Cette réduction de prix ne portera que sur le prix du bien - à l'exclusion des frais d'agence et de notaire.
- si cette surface est supérieure, aucun recours ne peut être engagée.
En résumé, la loi Carrez " couvre " les acquéreurs mais pas les vendeurs. Ce qui n'est pas forcément choquant à mon sens. En effet, on peut considérer que le vendeur a eu tout loisir de prendre le métrage de son bien et/ou de faire appel à un professionnel qu'il aura choisi.
Et si la mention loi Carrez n'est pas inscrite dans le compromis ou l'acte authentique ?
Il faut ici encore distinguer les deux situations :
- dans le cadre d'un compromis de vente, si cette mention n'apparaît pas, vous pouvez tout simplement demander la nullité de cet avant contrat : vous êtes alors désengagé.
Si malgré tout, vous souhaitez aller au terme de la vente, demandez aux notaires de corriger cette erreur pour l'acte définitif.
- dans le cadre d'un acte authentique, l'absence de loi Carrez peut vous permettre de demander la nullité de l'acte dans le délai d'un mois après la signature de cet acte.
Il s'agit là d'un critère prépondérant. Le calcul va porter sur la surface de plancher construite et couverte dont la hauteur sous plafond est supérieure ou égale à 1,80 m.
Toutes les pièces (ou parties de pièces) sous combles dont la hauteur est inférieure à 1,80 m ne seront pas comptabilisées. Les murs, cloisons, greniers non aménageables et cages d'escalier seront exclus du calcul. La jouissance privative d'une partie commune sera de la même manière exclue.
Il est ici important de faire la distinction entre surface Loi Carrez et surface au sol (certains parlent également de surface non contractuelle). Vous pouvez avoir un appartement sous combles de 80 m² au sol et qui ne fera que 50 m² en loi Carrez. Or c'est cette seule mesure qui a valeur réglementaire.
Il arrive régulièrement que des particuliers ou des agences proposent des biens avec une surface au sol : ne vous faites pas avoir ! Car le prix d'un bien immobilier est calculé à partir des mètres carrés Carrez. OK, les rampants, cela a du charme, mais cela ne changera pas le prix de votre bien !
Notez que ces surfaces exclues ne seront pas comptabilisées dans le calcul des tantièmes de copropriété. Elles seront par conséquent exclues du calcul des charges de copropriété. Ceci peut présenter un intérêt si vous investissez dans une copropriété avec des charges élevées.
Qu'en est-il des pièces avec des poutres ?
Dans ce cas, le mesurage se fera entre le sol et le premier obstacle rencontré au niveau du plafond - donc les poutres 😛 .
Et une mezzanine ?
Il faudra deux conditions cumulatives pour que la surface d'une mezzanine soit comptabilisée en Loi Carrez :
- la construction de la mezzanine a été réalisée " en dur ". Elle n'est donc pas démontable.
- la hauteur sous plafond est d'au moins 1,80 m.
Loi Carrez et placards
Les placards et les dressings sont à prendre en compte si leur hauteur est encore une fois supérieure à 1,80 m.
En pratique rien ne vous empêche de procéder vous-mêmes à ce mesurage. Cependant, je ne vous le recommande pas. Comme vous l'avez vu, une erreur peut coûter cher : mieux vaut donc laisser faire un professionnel (un diagnostiqueur immobilier en l'occurrence ou encore mieux un géomètre) qui aura l'habitude. Ce professionnel vous remettra alors un certificat Loi Carrez.
Engagera-t-il sa responsabilité pour autant ?
Certains experts bénéficient d'une responsabilité civile - prenez soin d'en parler au préalable.
Le coût de ce mesurage pourra être déduit lors du calcul de votre plus-value.
Notez enfin que cette attestation Loi Carrez est valable de façon illimitée : vous n'aurez pas à la renouveler (sauf si vous engagez des modifications à l'intérieur de votre bien).
Comme nous venons de le voir, la question de la hauteur sous plafond en loi Carrez peut se révéler particulièrement piégeux. Il vaut mieux avoir une bonne expertise pour effectuer ce calcul.
Que la hauteur en loi Carrez soit un critère à respecter semble finalement relever du bon sens. Vous vous imaginez demeurer dans une maison avec un plafond inférieur à 1,80 m ? Compliqué sans doute. Même si certaines maisons traditionnelles alsaciennes par exemple présentent des plafonds particulièrement bas 😀 .
Encore une fois, ne mégotez pas sur cette obligation car elle peut vous coûter cher, tandis que la réalisation d'un mesurage par un professionnel vous coûtera entre 50 e et 150 € - en fonction notamment de la surface du bien. Le jeu n'en vaut clairement pas la chandelle.