Tout est enveloppé dans la conscience, tout dépend de la conscience, tout est conscience, car si j'ai conscience d'une chose, cette chose est entièrement "immergée" dans la conscience que j'en ai. Si cette chose est vraiment en dehors de la conscience que j'en ai, alors il n'est même pas possible de dire ou de concevoir qu'elle est "une chose en dehors de la conscience" !
Cependant, il semblerait que toute chose ne soit pas dotée de conscience propre. N'y a-t-il pas une différence essentielle entre le conscient (=ce qui est doué de conscience) et l'inerte ? Qui peut nier cette distinction entre le vivant et le mort ? Entre l'animé et l'inanimé ?
Mais, nous avons réalisé d'abord que tout est conscience. Aucun lieu, aucun espace n sont indépendants de la conscience. Donc la présence est présente en toute chose. A vrai dire, elle est la présence même de toute chose ! Comprenez que la conscience n'est pas une lumière qui éclaire des choses qui lui préexistent, comme le soleil qui éclaire les choses de la Terre, sachant que ces choses préexistent à cette mise en lumière. Non : la conscience est la lumière qui se manifeste comme toutes choses. Toute expérience est la conscience en train de se manifester et de se réaliser ainsi, de s'éprouver ainsi, de jouer ainsi, de se ressentir ainsi...
Donc tout est conscience et tout est conscient.
Mais alors, qu'en est-il de la différence entre la conscience et la matière ? entre le conscient et l'inconscient ? entre le vivant et l'inerte ?
Eh bien, toutes ces différences existent, car elles apparaissent. Cependant, elles sont relatives seulement, et non pas absolues. La différence entre la conscience et la matière est une différence de degré, non de nature. Autrement dit, l'inconscient est du conscient indifférencié. L'inconscient est du conscient mais différencié à un moindre degré. Toutefois, c'est bien du conscient, car tout est conscient, car rien ne peut exister en dehors de la conscience. Exister, c'est être conscient. "Conscience" et "existence" sont identiques, deux termes synonymes.
Cette pierre, par exemple, est consciente. Et sa conscience propre, certes minimal, se manifeste quand même dans sa solidité qui est la conscience qu'elle a d'elle-même, et aussi dans son poids, qui est une sorte de désir. Toute existence, même objective (comme celle de la pierre), possède aussi une subjectivité, un intérieur, une âme, une conscience et une conscience de soi. De même, tout mouvement, toute puissance, manifestent un désir.
Or, la conscience est divine, puisqu'elle possède les attributs du divin, les puissances divines : permanence, omniprésence, omniscience, omnipotence. Donc la conscience est Dieu. Si tout est conscience, tout est Dieu.
Cela, je peux le comprendre jusqu'à la certitude absolue, mais aussi le ressentir jusqu'à la foi inébranlable. Peu à peu, je m'abandonne à cette évidence. Tel est le chemin de la vie intérieure. Je ne crois plus exister, mais je laisse l'Être exister en moi, en tant que moi. Et le laisse désirer, agir, penser. "Ca n'est plus moi qui vit..." Le corps, l'âme et l'esprit existent toujours, mais sans plus aucune propriété. L'individuel s'accorde totalement à l'universel. Il n'y a plus qu'un être, un désir, un mouvement, une pensée.
Quand je regarde des pierres, un rocher, une montagne, je ressens la paix, une conscience moins différenciée, car la conscience de la pierre est très indifférenciée. La pierre n'est guère bavarde. Tout son discours est dans sa présence simple et silencieuse. Alors, je l'écoute. Et, comme l'on devient ce que l'on écoute, le bavardage s'apaise et se fond dans un silence vivant. D'où la joie mystérieuse face à une immensité minérale. Face aux vastes vallées du Lhadak, ou dans certains lieux d'Europe. Ou face à la mer, laquelle est à la fois en mouvement et immobile. Ces contemplations nous guérissent en nous réveillant à notre véritable nature, absolument libre et au-delà du lieu et du moment. Cela s'appelle "s'accorder à l'être par la pierre".
Tout est vivant, plein d'âme, de présence et de désir. Rien n'est absurde, que de croire qu'il y a de l'absurde. Tout est en chemin. Tout est la Déesse, mon maître, mon guide. Quand le disciple est prêt, le maître arrive. Tout arrive, si je suis prêt, si je m'efface, me tais, me mets à l'unisson du minéral, du végétal, de l'animal, de l'humain même. Tout est inclus, tout participe, naissance et mort, agitation et repos. Se faire ainsi muet, dans une pleine reconnaissance vide de toute image, de tout discours, c'est rendre hommage, saluer et adorer comme il convient.