Chroniques de l’ordinaire bordelais. Episode 373

Un heure en ville avec la carte bleue

Il faut que je descende en ville juste pour poster cette lettre sinon je vais dépasser le délai d’un mois prévu pour me faire rembourser les achats frauduleux effectués par je ne sais qui avec ma carte sans contact perdue. Me voilà donc partie de bon matin emballée à la va-vite dans mon vieux manteau de fausse fourrure qui cache ma tenue de ménagère ordinaire.

Premier souci : dans ce cœur de ville aux rues où l’on doit avancer protégé, j’ai complètement oublié le masque. J’entre toute confuse et gants sur le nez dans la pharmacie où l’on m’en propose un très gentiment pour 0,35 centimes d’euros. Je redouble de confusion, je n’ai que la carte bleue sur moi, la nouvelle dont j’ai demandé la clôture du sans contact. In extremis je retrouve au fond de la poche du manteau la pièce du caddie et la propose en paiement. Pas grave me dit la pharmacienne, de toute façon on devient fous. Va pour la carte bleue avec contact. Gardez votre pièce vous pourriez en avoir besoin. (!)

Sur le chemin du retour la librairie n’ouvre qu’à 10 heures. Dommage, je voulais faire une razzia.

Tiens, un soutien-gorge façon brassière coton dans cette vitrine. Sans doute confortable. J’ai la carte bleue. On me le montre, on veut me le faire essayer, on veut mesurer mon buste, mais avec ma tenue de ménagère je ne peux rien montrer de ce qui est sous le gros manteau. Je biaise et dis que ce n’est pas pour moi mais pour une dame âgée qui ne va pas être très à l’aise dans ce mini modèle. La vendeuse revient avec des modèles plus grands, différents, visiblement tout polyester et m’assure que c’est aussi du coton. Je les décline en expliquant que je n’arriverai jamais à faire croire à la dame en question que ce tissu est du coton.

Magasin Beauty success. Il me faut un crayon sourcils. On m’en essaie plein sur le dos de la main. Aucun ne marque même en griffant. C’est normal me dit-on, un crayon à sourclis sèche et on doit l’aiguiser à chaque fois. (!) Essayons encore ce crayon Dior. 70 euros. Toujours sec quand même. De toute façon ma carte bleue trouve trop cher.

Je remonte les vitrines un peu découragée, même les magasins de chaussures ne me motivent plus.

Voilà une virée en ville qui ne va pas faire chauffer la carte bleue. Et je ne l’ai pas perdue.

Thérèse Marsan