Chaque année, le gouvernement prépare en octobre-novembre le budget de l'Etat pour l'année suivante. Mais les premiers arbitrages sont rendus dès l'été. Eric Woerth, ministre des comptes publics,
a déjà prévenu que les dépenses seront maîtrisées pour éviter de laisser filer le déficit. Près de 30 000 postes de fonctionnaires ne seront pas renouvelés, à commencer par l'Education nationale
(suppression de 13 500 postes d'enseignants). Pour maîtriser le déficit, il faut donc réduire les dépenses. Mais qu'en est-il des recettes ? A force de multiplier les crédits d'impôts, les
promesses de baisse de TVA, les mesures défiscalisées (heures sup'), l'Etat se prive d'une partie de ses recettes pour une efficacité largement méconnue. Et quand c'est le rapporteur général du
budget de l'UMP qui s'emporte contre la politique fiscale du gouvernement, cela fait désordre au sein de la majorité...
Selon Gilles Carrez, député UMP du Val-de-Marne et rapporteur général du budget, "il y a eu 20 milliards d'euros de surcroît de recettes fiscales en 2007. 12 milliards sont allés aux baisses
d'impôt, 2 aux exonérations de cotisations sociales, 5,5 aux dépenses et seulement 1 milliard a servi à réduire le déficit"
(Le Monde du 8 juillet 2008). Le député s'inquiète de voir le
déficit budgétaire se creuser.
Dans une vidéo, postée par le sénateur UMP Alain Lambert sur son blog, Gilles Carrez confirme ses inquiétudes et s'emporte face à la fuite en avant du gouvernement qui continue à créer des
dispositifs pour contourner l'impôt. Dans la vidéo, le député explique : "Eric Woerth est un ministre croupion. Il n'a le droit de s'occuper que de la colonne dépense mais en matière de
finances il y a deux colonnes : les dépenses et les recettes ; et les recettes lui échappent complètement ! (...) Le rapport d'orientation budgétaire est à pleurer !". "Peut-on nous jeter de la
zone Euro si nous ne respectons pas les règles de discipline budgétaire ?"
s'interroge-t-il même à haute de voix.
Le député ne s'arrête pas là, il dénonce les demandes de certains ministres, qui cherchent à obtenir de nouveaux dispositifs d'allégements fiscaux. C'est le cas par exemple de Christine Boutin
qui réclame une TVA réduite à 5,5% sur la construction de logements neufs. Selon lui, cette fuite en avant risque de peser sur les comptes publics, malgré les réductions des dépenses.
Vidéo off sur les dépenses de l’Etat
envoyé par Rive-gauche
Dans une deuxième vidéo, Eric Woerth discute avec Gilles Carrez et finit par reconnaître du bout des lèvres qu'il ne maîtrise pas tout. En effet, jusqu'à présent, un ministre du budget s'occupait des recettes et des dépenses. Depuis mai 2007, le ministre des comptes publics gère les dépenses, et les recettes fiscales sont gérées par le ministre de l'Economie. Cette séparation nouvelle est liée à une nouvelle approche de la politique fiscale : le niveau des recettes fiscales doit s'adapter à l’emploi, selon Nicolas Sarkozy. Pour une politique de l'emploi efficace, Nicolas Sarkozy a donc souhaité donner au ministre de l'Economie et de l'Emploi le pouvoir de gérer les recettes fiscales, notamment en ayant la main sur les allégements fiscaux à destination des entreprises qui embauchent. Conséquence paradoxale : dépenses et recettes ne sont plus gérées par le même ministre.
Face au tollé de ses déclarations, Gilles Carrez a cru bon de devoir se justifier auprès des journalistes de 20minutes : "C'était une discussion de couloir. Alain Lambert filmait avec un
appareil photo mais je ne savais pas que ça allait se retrouver sur Internet. Je dis qu'Eric Woerth est un ministre croupion mais c'est un mot mal choisi. J'aurais plutôt dû parler d'un
ministre unijambiste : il n'a la main que sur les dépenses et pas sur les recettes, qui sont sous la responsabilité de Christine Lagarde."
Il est intéressant de noter que, contrairement à ce qu'on pourrait penser, cette vidéo n’émane pas d’un journaliste mais bien d'un sénateur de la majorité parlementaire. Gilles Carrez a invité
à déjeuner Alain Lambert, et une troisième vidéo a été tournée pour que le député UMP puisse se justifier après le buzz de la première vidéo. Il déplore notamment l'approche fiscale actuelle
qui consiste à percevoir l'impôt non pas comme une recette pour financer les dépenses mais plutôt comme une variable que l'on peut alléger pour soutenir l'emploi. Car à force de multiplier les
allègements fiscaux, le gouvernement alourdit le déficit, alors que par ailleurs, il réduit les dépenses.
(Source Politique.net)