« entre deux immeubles
entaille sans ombre
sans rituel, c’est la subduction
des empreintes de l’attente »
Quelle qu’elle soit, il est toujours très difficile de traverser une matière écrite, une matière qui est intériorité, sans se dilacérer aux significations. « geste analogue » est un livre d’écrits comme l’annonce son auteur dans le titre, non de poèmes (bien que les textes soient pour la majorité d’entre eux versifiés).
J’ajouterai que « geste analogue » est aussi un livre de non-écrits, de véritables absences qui séparent et font se percuter pour mieux tanguer les événements (quoi d’autre sinon l’absence (nous) percute ?), ces petites épiphanies « écrites », élues par son auteur, davantage par défaut que par surabondance.
La matière écrite d’Alexandre Mare rehausse, au sens de la peinture, ce qui s’évanouit et n’est voué qu’à s’évanouir. Une nostalgie rayonne, sans en faire de trop, de page en page, les mêlées d’épidermes, de corps, de vies [déjà] antérieures comme une combinaison chimique qui se joue de l’air et du jour, n’existent que dans leur évanouissement immédiat (se souvient-on aussi de la notion de « présent fugitif » chère à Olivier Cadiot), accentuée parfois par l’omission des articles ou encore par des ellipses, d’où sans doute le fantôme du réel qu’il nous reste immuablement écrit, gestualisé dans le texte et ça et là prolongé dans la suavité des encres tout en nuances de gris de Jérémy Liron.
Mathieu Nuss
Alexandre Mare, geste analogue & autres écrits, éditions La Nerthe, 2020, 82 p., 12€