Il est toujours ironique de voir les propositions cinématographiques discriminées entre courts, moyens, et longs-métrages. La frontière entre chacun peut déjà parfois être ténue, mais au sein d’une même catégorie, la durée peut, elle aussi, évidemment fortement varier. Si celle-ci n’est certes pas gage de qualité, il n’en reste pas moins que l’exercice narratif ne relève pas des mêmes contraintes en fonction de la longueur du film.
Au sein de la proposition pléthorique du festival Plein(s) Ecran(s) de cette année, force nous est d’admettre que notre attention s’est avant tout portée sur les courts courts. Les vrais. Ceux n’excédant pas dix minutes. Ceux jouant avec cette temporalité extrêmement resserrée, pour mieux mettre en valeur des composantes précises de ce délicat équilibre qu’est le cinéma. En dehors de leur durée contenue, entre Aujourd’hui ou je meurs, Cayenne, ou Displacement, finalement rien à voir. A ceci près que ces trois propositions démontrent, chacune dans leur genre, à quel point le jeu, la mise en scène, et le montage, sont des piliers qui, même pris de manière isolée, restent à même de soutenir un film si, et seulement si, bien exécutés.
Mais le cinéma, long comme court, ce n’est pas simplement du réel, du tangible, du familier. Ça peut être, et probablement pas assez souvent, de l’abstrait. Fait pour nous sortir de notre zone de confort, et nous désarçonner. De l’expérimental dont on ne sait, des heures et des jours durant, quoi en penser. En bien, ou en mal, au fond peu importe. Ce qui prime, c’est le moment vécu. Et qu’il reste gravé, bien que vaporeux et diffus. C’est un peu tout ça qu’est Displacement de Maxime Corbeil-Perron, court-métrage expressionniste s’il en est, où images, sons, formes et couleurs se mélangent au gré d’un montage hypnotique, où le sens narratif s’efface au profit de la sollicitation littérale des sens physiologiques. Les minutes s’y égrènent au rythme de plans fixes où le mouvement naît des flammes d’un feu de camp, de halos lumineux allant et venant, des formes et des silhouettes apparaissant et disparaissant. C’est tout ? C’est tout. Et une fois devant le résultat proposé, on se dit que c’est finalement beaucoup.