"Chen Cao - Tome 5: De soie et de sang" de Xiaolong Qiu (Red Mandarin Dress)

Par Cassiopea

Chen Cao - Tome 5: De soie et de sang (Red Mandarin Dress)
Auteur: Xiaolong Qiu
Traduit de l'anglais (États Unis) par: Fanchita Gonzalez Batlle
Éditions : Liana Levi (10 Mai 2007)
ISBN : 978-2867464447
360 pages

Quatrième de couverture

Une femme en qipao rouge. Assassinée. Le vêtement est le symbole de l'élégance bourgeoise des années trente. Un symbole à renverser, pour les tenants de la pensée révolutionnaire. Est-ce la clé du meurtre, et de ceux qui vont suivre ? L'inspecteur principal Chen, aux prises avec ce tueur en série, le premier de l'histoire de Shanghai, se raccroche à Confucius : Il y a des choses qu'un homme fait, et d'autres qu'il ne fait pas. Mais dans une époque de transition aussi mouvante que celle de la Chine post-Mao, peut-on avec certitude différencier le bien du mal ? Car la Révolution culturelle, et son cortège de meurtrissures, est passée par là...

L'auteur

Qiu Xiaolong est né à Shanghai. Lors de la Révolution culturelle, son père est la cible des révolutionnaires et lui-même est interdit d'école. Il réussit néanmoins à soutenir une thèse sur T.S. Eliot et poursuit ses recherches aux États-Unis. Les événements de Tian'an men le décideront à y rester. Il choisit alors d'écrire en langue anglaise et publie successivement Mort d'une héroïne rouge, Visa pour Shanghai, Encres de Chine et Le Très Corruptible Mandarin. Ses romans sont aujourd'hui traduits dans une douzaine de pays.

Mon avis 

L'esthétique essentielle d'un qipao réside dans la subtilité de son caractère suggestif...

A Shanghai, il ne fait pas bon sortir la nuit. Un homme tue des jeunes femmes et les revêt d’un qipao rouge avant de les abandonner dans la ville, parfois dans des endroits très fréquentés.

Le mode opératoire étant le même, la police pense très vite qu’il s’agit d’un tueur en série.

Mais qui est-il et pourquoi ce rituel mis en place à chaque assassinat ?

« Personne n’a envie de jouer au modèle communiste altruiste. »

C’est dans une Chine meurtrie par la Révolution Culturelle que se passe cette histoire.

L’emprise des traditions est encore importante, mais les hommes essaient malgré tout de vivre autre chose, d’avancer. Les anciens ne savent plus où se situer et ont parfois peur de cette « modernité ».

Le qipao, très prisé dans les années 30, est utilisé comme un symbole. Vêtement traditionnel chinois, il revêtait les femmes au début du 20 ème siècle avec élégance, ne laissant dévoiler que ce qu’il était de bon ton que l’homme voit.

Il est moins utilisé de nos jours et surtout, ceux dont les victimes sont habillées, ont été cousus il y a quelque temps. L’assassin a-t-il un stock important ? Autant de qipaos qu’il pense tuer de femmes ? 

L’inspecteur Yu mène l’enquête. Sa femme Peiqin, qui a senti, que le qipao l’intriguait se renseigne de son côté. Mais il ne sait pas très bien comment s’y prendre pour aboutir dans ses recherches et perdre le moins de temps possible afin qu’il n’y ait pas d’autres décès.

Chen, l’inspecteur principal, qui a entrepris des études de littérature et demandé une disponibilité, va se trouver face à un dilemme, s’occuper ou pas de l’enquête (d’autant plus qu’il en a une autre « sous le coude »).

Une partie du roman va nous permettre de le suivre dans son rapport à l’écriture, puisqu’il doit rédiger une dissertation, son rapport aux autres et à son métier. Il hésite, se pose des questions, est intrigué donc essaie de savoir et d’avancer. Il pense qu’en comprenant celui qui ôte la vie, il saura qui il est et l’empêchera de continuer ses méfaits. Comme il est instruit, il utilise ce qu’il sait de la psychanalyse pour mieux comprendre le criminel. Cela surprend ses collègues mais après tout pourquoi pas…. Il finira par avoir une espèce de mansuétude pour cet homme tant il a l’impression d’avoir cerné (et sans doute un peu compris) les raisons de ses forfaits….

L’écriture est pleine de finesse, de subtilités, de poésie, émaillée ça et là, de citations, de proverbes, d’extraits de poèmes. On peut lire une longue « tirade » sur la cuisine (la brioche à la soupe, la cervelle de singe…) sans penser que l’on perd son temps.

C’est une ambiance chinoise, calme, presque sereine dans l’horreur. Le rythme n’est pas effréné puisque, comme les autres, Chen, prend le temps, de manger, de vivre, de visiter, de réfléchir, de comprendre …. C’est un personnage très intéressant, cultivé, intelligent, intuitif, qui est plus dans la réflexion profonde que dans l’action. On suit sa cadence même si parfois, en bons occidentaux, on voudrait un peu bousculer « tout ça », foncer et agir … Comme on n’a pas le choix (à part celui de sauter des paragraphes ou des pages), on subit le tempo, on prend le temps et de ce fait, on se délecte avec bonheur du style qui à lui seul vaut le détour.

J’ai beaucoup apprécié cette lecture, permettant une approche de la Chine, de l’évolution politique et culturelle de ce pays tout en suivant une enquête policière originale.