" La meilleure place forte qui soit est de ne pas être haï des peuples. " (Machiavel, 1532).
Son meilleur atout est encore le soutien dont il jouit dans les sondages de popularité. Le Président du Conseil italien Giuseppe Conte a remis la démission de son deuxième gouvernement ce mardi 26 janvier 2021 au Président de la République Sergio Mattarella, après avoir convoqué le conseil des ministres dans la matinée (et après l'avoir annoncé publiquement dès la veille au soir). On pourrait s'étonner d'une telle décision alors que son gouvernement venait de garder la confiance des parlementaires, en particulier des sénateurs le 19 janvier 2021 (lire l'épisode précédent ici).
Giuseppe Conte, fin négociateur et habile juriste qui a su se glisser parfaitement dans les institutions italiennes alors qu'il n'avait jamais "pratiqué" la politique avant 2018, avait senti le vent du boulet après le désistement hors de la majorité d'un petit parti, Italia Viva, de l'ancien Président du Conseil Matteo Renzi.
Comme je l'avais écrit précédemment, Matteo Renzi, qui ne représente que 3% d'intentions de vote, voyait dans cette opération une manière de peser sur la politique italienne car sans "ses" 18 sénateurs, il n'y avait plus de majorité absolue au Sénat. Or, pour qu'un gouvernement puisse durablement se maintenir, il faut la majorité absolue dans les deux Chambres du Parlement.
Qu'importent les motivations réelles de Matteo Renzi, qui sont à la fois personnelles (incompatibilité d'humeur avec le chef du gouvernement), politiciennes (exister encore), ou réellement politiques (plan budgétaire pour la relance sur fonds européens ; heureusement que l'Europe est là), la réalité est que l'évaporation de la majorité a très affaibli le deuxième gouvernement de Giuseppe Conte.
Pourquoi a-t-il alors démissionné malgré la confiance renouvelée ? Parce que cette confiance était sous réserve que certains sénateurs (notamment d'Italia Viva) ne rejoignent pas l'opposition de droite et restent neutres. Or, Alfonso Bonafede (M5E), le Ministre de la Justice, devait présenter au Sénat une réforme, la semaine prochaine, qui avait toutes les chances d'être rejetée par les sénateurs. Giuseppe Conte a donc préféré éviter cet échec parlementaire et reformater sa majorité.
Cité par "Le Figaro" le 25 janvier 2021, le politologue Wolfango Piccoli a analysé dans une récente note cette démission ainsi : " Le calcul de Conte, c'est qu'en prenant les devants, et donc en évitant une défaite humiliante au Sénat, il augmentera ses chances d'obtenir de Mattarella un mandat pour former un nouveau gouvernement. ".
En clair, comme en août 2019 pour affronter son embarrassant Ministre de l'Intérieur Matteo Salvini, Giuseppe Conte a préféré l'attaque à la défense. En démissionnant, il met ses alliés le dos au mur. En effet, aucun des partis qui forment l'actuelle majorité, à savoir le M5E, le Parti démocrate et quelques autres petits partis de centre gauche, ne souhaitent revenir trop tôt aux urnes : d'une part, en raison de la crise sanitaire, d'autre part, parce qu'ils craignent d'être marginalisés, sinon laminés, face à des formations de droite qui souhaitent prendre leur revanche d'il y a dix-sept mois (Lega, Forza Italia, et également Fratelli d'Italia, l'autre parti d'extrême droite).
Pour l'heure, tout va (encore) bien pour Giuseppe Conte. Ses amis du M5E ont confirmé qu'ils souhaitaient la poursuite de cette majorité axée au centre gauche. Le patron du Parti démocrate, Nicola Zingaretti a déclaré dès le 25 janvier 2021 dans la soirée, que ses groupes parlementaires soutiendraient un nouveau gouvernement dirigé par Giuseppe Conte, sur Twitter : " Avec Conte pour un nouveau gouvernement proeuropéen soutenu par une large base parlementaire, qui garantisse crédibilité et stabilité pour affronter les grands défis de l'Italie. ".
Ces soutiens devraient encourager le Président Sergio Mattarella à reconduire le très populaire Giuseppe Conte pour former son troisième gouvernement et continuer à diriger le pays jusqu'au printemps 2023. Une manière de contraindre Matteo Renzi à prendre ses responsabilités : construire l'Italie d'après ou faire le jeu des populistes. Pour l'ancien maire de Florence, ce sera un choix ...cornélien !
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Sylvain Rakotoarison (26 janvier 2021)
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Published by Sylvain Rakotoarison - dans Europe et Union Européenne