" Les vieux ne rêvent plus, leurs livres s'ensommeillent, leurs pianos sont fermés.
Le petit chat est mort, le muscat du dimanche ne les fait plus chanter.
Les vieux ne bougent plus, leurs gestes ont trop de rides, leur monde est trop petit.
Du lit à la fenêtre, puis du lit au fauteuil, et puis du lit au lit.
Et s'ils sortent encore bras dessus bras dessous tout habillés de raide,
C'est pour suivre au soleil l'enterrement d'un plus vieux, l'enterrement d'une plus laide. "
(Jacques Brel, "Les Vieux").
Un nouveau conseil de défense sanitaire se réunit ce mercredi 27 janvier 2021 dans la matinée. La situation épidémique en France depuis le début du mois de janvier 2021 est très contrastée. D'un côté, un plateau, avec une forte mortalité (entre 300 et 500 décès par jour), en deux mois, il y a eu 24 000 décès. De l'autre côté, des inquiétudes, des pays voisins en pleine inflammation (les Britanniques ont atteint ce 26 janvier 2021 le seuil symbolique des 100 000 décès, la France va atteindre 75 000 cette semaine), et puis, ce plateau est un faux plat, depuis une semaine, la montée est certes lente mais continue et cela inquiète tous les médecins. Le seuil de 3 000 lits occupés en réanimation a été de nouveau franchi le 25 janvier 2021 (c'était le seuil fixé avec les 5 000 nouveaux cas de contamination jamais atteint pour le déconfinement du 15 décembre 2020), la perspective de 3 500 semble à prévoir d'ici à quelques jours. L'inquiétude est la suivante : les exponentielles démarrent toujours très lentement. Mais quand elles "s'accélèrent", on s'en aperçoit alors trop tard, car il y a une dizaine de jours entre la contamination et le placement en réanimation. J'avais évoqué la perspective d'un troisième confinement il y a déjà plus de deux semaines.
Le 26 janvier 2021 sur LCI, le professeur Philippe Juvin, chef du service des urgences à l'hôpital Georges-Pompidou à Paris depuis 2012, et par ailleurs maire LR de la Garenne-Colombes et ancien député européen, qui voudrait s'investir pour la campagne présidentielle de 2022, a expliqué qu'avec l'hiver, avec les variants, avec la situation qui commence à empirer dans les hôpitaux, un troisième confinement paraît inéluctable : " Le reconfinement est inéluctable. Plus on le fera tôt, plus il sera court. ". C'est sans doute dans ce raisonnement qu'il y a apparemment une opposition entre tous les scientifiques et médecins (notamment Jean-François Delfraissy, président du conseil scientifique, qui, dès le 24 janvier 2021 sur BFM-TV, sonnait le signal d'alarme) et le Président Emmanuel Macron et certains membres du gouvernement comme Bruno Le Maire qui imaginent évidemment les conséquences économiques, sociales et même psychologiques d'un troisième confinement. D'autant plus que son acceptabilité semble en baisse dans les sondages.
Le problème, c'est que si le confinement paraît inéluctable, il faut aller au plus vite car plus on commencera tôt, plus on coupera l'avancée de l'exponentielle. Ceux qui, au contraire, souhaitent prendre le temps comprennent bien cette logique mais se disent que dans tous les cas, il sera difficile de finir rapidement ce troisième confinement, car il y a l'hiver et que rien ne permet de voir un horizon rose avant le printemps. Pour eux, l'idée est au contraire de tenir le plus possible sans confinement pour réduire la durée du troisième confinement par la date du début et pas par la date de la fin. Dans tous les cas, le gouvernement souhaite avoir des arguments pour éventuellement reconfiner, en particulier l'étude de l'efficacité (ou pas) du couvre-feu à 18 heures (qui sera connue en fin de semaine) et l'enquête flash sur la situation du variant anglais qui était de 1,4% au début du mois et qui aurait déjà atteint 10% des contaminations en Île-de-France cette semaine.
Jean-François Delfraissy est revenu à la charge sur une idée récurrente et qui paraît de bon sens : le covid-19 tue essentiellement les personnes âgées, alors ce sont elles, et elles seules, qui doivent se confiner, et pas les autres. Or, cette idée paraît complètement en dehors du réalisme que commande une telle pandémie. Confiner les personnes âgées ?
Premièrement, à quel âge ? Qui en parle, qui décide : des jeunes ou des personnes âgées ? 75 ans ? 65 ans ? 80 ans ? L'affaire de seuil est toujours mal venue, selon qu'on se place juste avant ou juste après. Et il faut aller plus loin, d'ailleurs, car il faut parler des personnes vulnérables, c'est-à-dire des personnes âgées, mais aussi des personnes plus ou moins jeunes avec des comorbidités, et attention, il faut savoir ce qu'est une comorbitié : pas seulement des maladies graves comme le cancer, les problèmes cardiaques, etc., mais aussi le surpoids. Le covid-19 peut tuer aussi les personnes ayant un indice de masse grasse (IMG) supérieur à 30 (l'IMG se calcule en prenant son poids en kilogramme et en le divisant par sa taille, en mètre, au carré). On ne parle plus de 5 à 10 millions de personnes, mais déjà de 15 à 23 millions de personnes, en gros, le tiers de la population française.
Deuxièmement, est-ce autorisé par la Constitution ? Évidemment, non ! Prendre des mesures selon uniquement l'âge est un élément anticonstitutionnel de discrimination qui va à l'encontre de l'égalité. Certains disent : en confinant, on met à mal la liberté, alors pourquoi ne pas mettre à mal l'égalité ? Sauf que la liberté, c'est une manière relative de voir les choses. La meilleure définition de la liberté, c'est : la liberté des uns s'arrêtent à la liberté des autres. Or, chacun a le droit d'être libre de ne pas aller en réanimation voire à la morgue. Cette liberté de vivre, c'est aussi celle de ne pas être contaminé et s'il faut un confinement pour cela, elle ne s'oppose pas à la liberté de circulation, elle est simplement supérieure à celle-ci.
Troisièmement, on peut résoudre le problème constitutionnel en n'imposant pas le confinement des plus âgés mais en leur recommandant très vivement de s'autoconfiner. Là encore, que croient donc ceux qui proposent ce genre de recommandations ? Qu'aujourd'hui, ces personnes vulnérables vont chaque week-end dans une fête clandestine sans masque pour aller danser au milieu de mille autres "rebelles" ? Ces personnes vulnérables ne sont pas folles, cela fait depuis février 2020, et pour les plus imprudentes, mars 2020 qu'elles font très attention, qu'elles s'autoconfinent, qu'elles évitent les rencontres même familiales, ce qui leur coûte déjà beaucoup. Quant aux personnes vulnérables qui sont plus imprudentes, pourquoi écouteraient-elles maintenant des recommandations qui ont été déjà faites et répétées depuis au moins le 11 mai 2020 et la fin du premier confinement ?
Quatrièmement, cette solution supposée de bon sens montre qu'il faut vraiment se méfier du bon sens. Comment peut-on confiner totalement les personnes vulnérables ? Justement parce qu'elles sont vulnérables et fragiles, elles ont besoin des autres, des moins vulnérables, pour se nourrir ou même pour se laver, pour qu'on les soigne, qu'on s'occupe d'elles. Il est impossible d'éviter le contact avec des personnes non vulnérables, à moins de vouloir les laisser mourir. Certaines personnes peuvent évidemment encore faire leurs courses, d'autres pourraient s'en occuper. Mais qui ferait le ménage ? etc. Bref, cette idée est totalement hors sol de la réalité au quotidien des personnes âgées, sans compter, évidemment, qu'elles ont un besoin, peut-être même plus fort que les autres, de relations sociales, de contacts sociaux à défaut d'êtres physiques.
Cinquièmement, il y a déjà un début de réponse sur l'efficacité d'une telle mesure, confinement des personnes vulnérables, en regardant ce qui se passe dans les EHPAD. Justement, ces établissements ont été confinés mais cela n'empêche pas qu'à ce jour, sur les environ 700 000 personnes qui résident en EHPAD, il y a eu depuis le début de la pandémie 169 291 cas de covid-19 et 22 238 décès. Or, la proportion de décès EHPAD sur décès total n'a pas baissé au fil des deux confinements, elle est toujours restée à 30%, ce qui montre qu'au contraire, le confinement de personnes vulnérables n'est pas un moyen très efficace pour éviter l'hécatombe.
Du reste, quand on réécoute son allocution télévisée du 28 octobre 2020, le Président Emmanuel Macron avait évoqué, pour mieux s'y opposer, le principe du confinement sélectif : " [Le virus] touche (...) sous les formes graves toutes les générations. Et nous ne savons pas dire aujourd'hui quelles sont les séquelles à long terme. Perte d'odorat, perte de goût, difficultés respiratoires ; contracter ce virus n'est pas anodin, même lorsqu'on a 20 ans. ". Un peu plus tard, il rappelait une évidence : " D'une part, nos aînés comme les personnes vulnérables ont souvent besoin d'une assistance extérieure (...). Et donc créer une forme de bulle autour d'une génération (...) n'est pas réaliste (...). D'autre part, le virus se développe et développe des formes graves chez les plus jeunes. Et donc, confiner les seules personnes âgées est inefficace : parce que le virus circulerait toujours trop vite et sous des formes graves dans le reste de la population. Et donc, nous ne pourrions pas protéger nos soignants, nos urgences et même à terme nos aînés avec cette stratégie. ".
Le seul moyen réellement efficace, c'est évidemment la vaccination. Au 26 janvier 2021, il semblerait qu'il n'y ait eu que 250 000 personnes qui se sont faites vacciner en EHPAD, soit un gros tiers. Et 1 184 510 personnes au total qui sont vaccinées (première dose), mais parmi elles, aussi des soignants de plus 50 ans. Il sera donc intéressant à observer attentivement Israël dont 80% des personnes âgées sont maintenant vaccinées et un quart de la population totale. D'ici à la fin du mois de février 2021, on devrait avoir des signes clairs de réduction du nombre de décès.
Et tant que les personnes vulnérables ne sont pas toutes vaccinées, il paraît pertinent de dire qu'il faut à tout prix réduire au maximum la circulation du virus dans toute la population, vulnérable ou pas...
Aussi sur le blog.
Sylvain Rakotoarison (26 janvier 2021)
http://www.rakotoarison.eu
Pour aller plus loin :
Faut-il confiner seulement les personnes âgées ?
Katalin Kariko.
Li Wenliang.
Karine Lacombe.
Claude Huriet.
Didier Raoult.
Agnès Buzyn.
Pandémie de covid-19 : plus de 2 millions de décès et une poignée de néo-négationnistes.
Covid-19 : faut-il rapidement un troisième confinement ?
7 questions sur les vaccins contre le covid-19.
Remdesivir : la polémique qu'on n'a pas eue en France...
Les messes à l'épreuve du covid-19.
Nouvelles attestations de déplacements à partir du 28 novembre 2020 (à télécharger).
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Pâques 2020, le coronavirus et Dieu...
Covid-19 : faut-il rendre contraignant l'isolement des personnes contaminées ?
Allocution télévisée du Président Emmanuel Macron le 24 novembre 2020 (texte intégral et vidéo).
Le calendrier de l'Avent du Président Macron.
Covid-19 : vaccins et informations parcellaires.
La lune de Jupiter.
Faudra-t-il rendre obligatoire le futur vaccin contre le covid-19 ?
https://rakotoarison.over-blog.com/article-sr-20210126-covid-cm-vulnerables.html
https://www.agoravox.fr/actualites/sante/article/faut-il-confiner-seulement-les-230516
http://rakotoarison.canalblog.com/archives/2021/01/26/38780653.html