Selon les données de l’Agence nationale d’investigations financières, ce secteur est le plus utilisé pour le blanchiment des capitaux.
Terminée l’époque où les logements meublés étaient l’apanage de certains quartiers. Désormais, on en trouve partout et à tous les prix. Le business semble juteux. Sauf que parfois, ces logements ne sont que la partie visible derrière laquelle se cachent des grosses magouilles. En effet, l’immobilier reste cette poche sûre où les blanchisseurs rangent le fruit de leurs transactions douteuses. Il s’agit parfois d’un agent public aux revenus connus de tous, mais dont les investissements surprennent. Ces fonds viennent alors soit de la corruption, soit des détournements de deniers publics. A l’Agence nationale d’investigations financières (Anif), on affirme que l’immobilier est l’un des secteurs qu’on utilise le plus pour le blanchiment des capitaux.
L’évaluation nationale des risques (ENR) qui a couvert la période 2014-2019 a permis de constater que « l’immobilier constitue une menace élevée de blanchiment, avec une tendance à la hausse». Et les curiosités sont nombreuses dans ce secteur. « Il y a un immeuble d’appartements et studios meublés dans mon quartier. Sauf que tu as l’impression que personne n’y vient jamais. Quelques rares fois, tu aperçois un ou deux clients quitter les lieux, mais de nombreux employés sont en poste et disent être payés.», décrit Jean B., riverain du quartier Essos. Un autre habitant du quartier Odza fait un témoignage similaire. A ce moment, les sommes issues du blanchiment sont donc présentées comme les loyers provenant de ces logements. En effet, il ressort des enquêtes menées que la plupart des transactions immobilières ne passent pas par les schémas classiques (agents immobiliers, notaires), mais plutôt directement entre les potentiels acquéreurs et les propriétaires immobiliers, explique le rapport de l’ENR.
Dans le même temps, le rapport précise que le recours aux banques spécialisées dans l’octroi de prêts immobiliers et les informations que celles-ci transmettent à l’Anif en termes d’opérations suspectes, confortent la thèse de la menace élevée. « L’enquête a révélé une prolifération des activités informelles dans ce secteur. En effet, la taille des opérateurs évoluant officiellement dans le secteur est relativement faible malgré la révision du montant de la caution d’agrément pour accéder à la profession de promoteur immobilier qui est passée de 25 millions à 2,5 millions de F», peut-on lire dans le rapport. A côté de cela, l’Anif a aussi constaté la présence d’investisseurs immobiliers anonymes utilisant abusivement les sociétés civiles immobilières ou agissant à distance (notamment la diaspora camerounaise). Par ailleurs, les profils de clients à risque dans ce secteur sont les personnes politiquement exposées, nationales et internationales, les non-résidents, les sociétés civiles immobilières qui contribueraient à masquer le patrimoine immobilier des criminels.