Récurrence de la figure eastwoodienne (annexe 7)
Le sixième recueil de le collection "MAX" du Punisher[1], contient 4 histoires.
Les deux du milieu, scénarisées par Justin Gray et Jerry Palmiotti sont dispensables et assez ridicules. Le personnage de tueuse amazone sicilienne au charme eighties nommée Suspiria est particulièrement dur à avaler. En revanche ces produits médiocres sont encadrés par deux perles signée Garth Ennis, le scénariste qui n'aime pas les hommes au yaourt.La nouvelle qui donne son nom au recueil, Le Tigre, est dessinée par John Severin dont nous parlions il y a peu. Excellente idée que de demander à un dessinateur né dans les années 20 de mettre en scène une histoire se passant dans l'enfance de Frank Castle, donc dans une sorte d'Amérique de l'ancien temps évoquant aussi bien Sur les quais de Kazan que les bandes de Will Eisner. Un encrage duveteux et une mise en couleurs intelligente (tramant les fonds de croisillons clairs) parfont l'atmosphère brumeuse de souvenirs ayant valeur de mythe fondateur. Si Garth Ennis date précisément la naissance de Frank en 1950 ("1960 : j'ai dix ans") le dessin de Severin évite de trop caractériser l'époque, conscient de la tension qui résulte à envisager un Punisher de... 56 ans[2]. En effet, le personnage du Punisher, par son passé au Vietnam est cœur d'un des plus important problème auquel sont confronté les animateurs de l'univers Marvel, la vraisemblance historique et le vieillissement des héros...
The Cell, dessinée par Lewis Larosa, a retenue notre attention pour une raison dont vous commencez à vous douter. Ce n'est pas ma faute... Il y a encore Clint Eastwood dedans ! Au début, je me suis dit, ce n'est pas possible, je me fais des idées... On va pas recommencer. Et puis lorsque Stanley m'a emprunté mon bouquin pour le feuilleter et qu'il m'a glissé : "dis-donc, il serait pas un peu eastwoodien celui-là ?", mes réticences se sont évanouies : Oui c'était bien Eastwood qui jouait le Punisher.
Cette histoire carcérale, plongé dans les ténèbres, met bien en évidence les liens qui relient la mythologie du Punisher à celle des incarnations de Eastwood à l'écran. C'est tellement évident que jusqu'à présent j'avais omis d'en prendre conscience ! Un homme seul face au système. Un homme entre deux clans (ses ennemis se comptent des deux côtés de la Loi) . Une vengeance personnelle comme carburant. D'expéditives méthodes... voilà bien des caractéristiques de la figure qui a rendue Eastwood populaire auprès du grand public. Si Eastwood a toujours cherché à éviter tout excès de complaisance envers la violence alors que Garth Ennis aime se baigner dans l'hémoglobine et les tendons arrachés, comment ne pas établir rétrospectivement un parallèle entre les nuances qu'apporte Magnum Force au personnage de Harry Callahan[3] et la défiance du Punisher vis-à-vis de ses émules indésirables, dans la première et jubilatoire mini-série[4] que Ennis consacra au personnage.
Garth Ennis ne semble pas encore prêt à creuser autour des racines de ses propres fascinations barbares, pas plus qu'il ne montre l'envie de mettre en perspective les conséquences de la violence (a contrario du réalisateur d'Unforgiven) en cela ses héros sont plus bronsoniens qu'eastwoodiens. Toutefois, en l'occurrence, sa volonté de relier les actes du personnages à son passé, son réel attachement au personnage et à son potentiel et son ardeur à en revisiter les mythes fondateurs, placent les deux récits évoqués aujourd'hui loin au dessus de ses habituelles bidasseries potaches.
[1] Panini France, 2007, 15€ .
[2] et oui, car The Tyger est paru au États-Unis en février 2006.
[3] Magnum Force (1973) de Ted Post, est le deuxième volet des aventures de L'inspecteur Harry. On l'y entend formuler cette fameuse phrase : " Je crois que vous avez fait une erreur de jugement à mon propos."
[4] En français cette série fut publié par Panini dans les 3 premiers 100% Marvel consacrés au Punisher puis regroupé dans un petit format moche mais pas cher distribué par Maxi-Livres : Un monde sans pitié, 2004.