Aujourd’hui, il nous faut naître autrement. C’est la définition de la résilience, qui consiste à garder une trace de la blessure pour inventer autre chose. Beaucoup parlent d’une crise. Selon moi, le mot juste pour qualifier ce qui nous arrive est «catastrophe», un mot qui étymologiquement dit coupure et virement, tournant. Il y en a eu beaucoup dans l’Histoire. Dans un premier temps, et on l’a vu avec le confinement, les violences familiales et conjugales explosent, car se pose la question : «Comment va-t-on vivre ensemble ?» Quand la violence et la brutalité sexuelle augmentent, c’est toujours le symptôme d’une défaillance socioculturelle. Il manque un cadre pour structurer la pulsion. Nous vivons dans un sprint consumériste qui a provoqué la dilution des liens, gommé les âmes et les saisons, provoqué une déritualisation culturelle. On ne pense qu’à la réussite sociale. Mais après la catastrophe, le traumatisme pousse toujours à emprunter un chemin nouveau. Nous devons prendre un virage, or trois voies s’offrent à nous désormais.
On peut repartir comme avant, ne rien changer à l’économie, à l’hyperdéplacement et à l’hyperconsommation, et un siècle d’épidémies nous attend, avec un nouveau virus dans trois ans. On peut voter pour un dictateur qui nous escroquera en faisant croire qu’il a la solution et la vérité, cela existe déjà ici ou là. On peut enfin opter pour une nouvelle naissance, c’est la voie à laquelle je rêve. Nos atouts pour une renaissance sont la (re)découverte de la lenteur, l’accès au savoir pour tous et de nouvelles ententes de couples, où chacun fait sa part d’effort.Boris Cyrulnik(source : Madame Figaro)***********