Alors que la création de nouveaux rôles est en pleine expansion depuis quelques années, touchant à des domaines aussi variés que la transformation « digitale », l'innovation, les données, l'expérience client et, plus récemment, la diversité, on pourrait espérer que la RSE, qui, in fine, met en jeu l'avenir de l'humanité et concerne directement toutes les activités économiques, a également droit à son poste de responsable, de préférence au sommet de la hiérarchie, afin de refléter l'importance qui lui est accordée.
Dans cette perspective, j'ai examiné systématiquement les listes (publiques) de membres des équipes pilotant les 40 groupes phares en France, à la recherche de leurs référents sur le volet de la RSE (sous toutes ses formes). Certes, la méthode n'est pas parfaite, ne serait-ce que parce que les modèles de gouvernance varient d'une structure à l'autre (les comités exécutifs ont des tailles très variables, en particulier) mais il me semble tout de même intéressant, dans une première évaluation du sérieux des démarches.
Les résultats sont édifiants. Pour commencer, plus de 40% des sociétés (j'en compte 17, exactement) ne font aucune mention de responsabilité sociale, de développement durable ou d'un thème similaire dans leurs présentations de leurs instances de gouvernance et de leurs participants. À l'inverse, elles ne sont que 6 sur 40 (dont BNP Paribas) à avoir désigné une personne exclusivement en charge de ces sujets et donc susceptible d'en porter la voix sans compromis auprès de la direction générale.
Les 17 autres se situent entre ces deux extrêmes, avec des fonctions relatives à la RSE assignées, avec une visibilité plus ou moins grande, en complément d'autres, plus classiques. Ceux qui héritent le plus fréquemment du flambeau (6 sur 40) sont les patrons des ressources humaines, dont j'avoue avoir quelques difficultés à comprendre comment ils peuvent correctement embrasser l'ensemble de la problématique à traiter, même s'ils ont toute légitimité sur une partie de sa dimension sociale.
Outre les porteurs de casquettes multiples (surtout dans les équipes très resserrées), viennent ensuite quelques directeurs de la transformation « digitale », dont on peut imaginer qu'ils expriment la perception d'une réponse technologique aux défis à relever, tandis que la petite poignée de responsables de communication qui figurent dans la liste reflètent assez clairement une volonté d'apparat plutôt que d'action concrète… qui n'est guère plus convaincante que l'absence pure et simple de la moindre citation.
Le faible taux de représentation opérationnelle de la RSE dans les principaux organes de direction constitue une mauvaise nouvelle, car il écarte de facto la possibilité de prise en compte transverse, pourtant critique pour donner une quelconque efficacité aux engagements et aux initiatives. C'est ainsi que, par exemple, une entreprise telle que Aon se retrouve à simultanément promouvoir ses efforts pour l'environnement (réels, peut-être) et à développer des produits en totale contradiction avec sa promesse.