60 ans après la parution, la plateforme Bénin Livres a collecté plusieurs dizaines de témoignages de lecteurs, d’enseignants, de critiques littéraires ou de spécialistes ayant travaillé sur le premier roman d’Olympe Bhêly-Quenum, Un piège sans fin (initialement publié au Stock) avant d’être réédité par Présence Africaine.
Ma chronique publiée le 2 Novembre 2008 sur ce roman fait partie des articles les plus lus de Chez Gangoueus. Plusieurs dizaines de milliers vues depuis cette période. On retrouve la même situation pour les classiques enseignés que j’ai également chroniqués comme Un monde s’effondre de Chinua Achebe, Soundjata Keïta ou l'épopée mandingue de Djibril Tamsir Niane ou encore Une si longue lettre de la Sénégalaise Mariama Bâ… Cette chronique a fait partie d’une trentaine de textes collectés autour de cet oeuvre. Tous ces textes ont été compilés et envoyés au célèbre écrivain Béninois Bhêly-Quenum. La réaction de l’écrivain va être à la hauteur de cette démarche de ses lecteurs orchestrée par Bénin livres
Il a fait un ouvrage de de ces discours autour d’Un piège sans fin, de ces hommages, de ces analyses critiques, un ouvrage qui permet de mieux appréhender son job. Dans Noces de diamant, Bhêly Quenum revient sur la réception de son roman en 1960. Il évoque d’ailleurs sa relation avec Anne Guérin ou encore, de manière assez amusante, sa rencontre avec la jeune critique belge Lylian Kesterloot au caractère bien trempé.
OBQ offre ensuite aux lecteurs et aux lectrices qui ont publiquement salué Un piège sans fin une longue nouvelle inédite intitulée Dans une fresque de Giotto (écrite en 2001). On peut discuter de cette nouvelle très bien construite sur le trouble que peut occasionner une représentation dans une oeuvre d’art. Qu’est-ce qui trouble le narrateur qui visite un musée de Florence ? J’ai vous encourage à vous procurer ce livre aux éditions Phoenix, même s’il est probable que ce soit un tirage limité. Olympe Bhêly-Quenum questionne le rapport à l’art. Peut-être est-ce le meilleur clin d’oeil à celles et ceux qui ont commenté son roman.
Que disent ces derniers ? Il y a une forme d’unanimité. Et j’ai trouvé très intéressant de lire tous ces avis sur le premier roman d’OBQ.
« La passionnante histoire d’amour entre Ahouna et Anatou m’apaisa beaucoup. La famille renaissait… Après la pluie, le beau temps. Le soir me trouva absorbée, rêvant à Ahouna et Anatou, au départ précipité du héros, à ce meurtre… Ma mère n’insista pas . Elle sait que quand j’ai ces « petits livres » entre les mains, il était inutile de m’inviter à quoi que ce soit, même pas un repas. » p.32, Témoignage de Cécile Avougnlankou, la lectrice perchée sur sa branche de flamboyant.
« Aujourd’hui plusieurs relectures mêlées à d’autres expériences du vécu me font comprendre que l’aventure amère, pathétique et tragique d’Ahouna ne fut en 1960 qu’un prétexte pour ce génie dont les talents restent incontestables pour dire ce que chaque humain vit dans son existence. Les vicissitudes, les opportunités, les échecs et les réussites ne tiennent qu’à un fil. » p. 35, récit de Richard Adodjèvo, jeune professeur de français et chroniqueur littéraire.
« Dans le fond, voici une oeuvre qui traite de l’absurde comme une romance à la fois autant passive qu’active. Passive en ce sens qu’elle fait des personnages des victimes, des spectateurs de leurs propres destins; active en ce sens que quelle que soit la certitude dont pourraient se prévaloir certains personnages, ils subissent in fine comme n’ayant jamais été décideurs de rien. » p. 40, Didier Sedoha Nassegande
« Au fil de mes lectures, je découvris pour la première fois le sens de l’amour à travers le symbole de l’orange. C, étais-jee sentiment noble et plein d’espoir qui brusquement céda à la jalousie. Confuse et étonnée, étais-je quand tout ce beau rêve tourna au drame. malheur à cet auteur qui a osé faire souffrir autant mes émotions ai-je dit à la page du suicide d’Ahouna. »
Je pourrais vous extraire d’autres « highlight » qui nous plongent dans la rencontre d’un texte, nous signifient la rencontre de l'autre avec ce roman, nous situent sur l’impact de l’oeuvre. Mais j’aimerais faire une remarque. Ahouna est la victime parfaite. Les lecteurs s’apitoient sur son cas et entre nous, c’est justifié. Mais, quand je relis ma propre chronique, une donnée m’échappe : pourquoi le seul souvenir de lecture qui me reste de ce livre, c’est la fermeture subite d'Anatou. J’avais oublié la faillite du père, Bakari. J’avais zappé la fin terrible d’Ahouna. J’ai longtemps été obnubilé par la figure d’Anatou après ma lecture de ce livre. N’est-ce pas le personnage le plus complexe de ce roman ? Un seul chroniqueur s’attarde sur ce point. Il y a quelque chose de très malsain dans l’attitude d’Anatou. Une forme de destruction silencieuse dans sa démarche. C’est du moins le souvenir que j’en ai. Je me suis demandé, en terminant ce roman il y a treize s’il n’y avait pas une forme de misogynie profonde chez Olympe Bhêly-Quenum, du moins, au moment de l’écriture de ce roman. Ce qui est drôle, c’est que cette impression, je ne l’ai pas écrite dans mon court article. Si le père est détruit par le système colonial, implacable, Ahouna est froidement neutralisé par la « jalousie » de sa compagne. Etrange contexte, quand le lecteur a vu naître cette passion amoureuse.
Un piège sans fin ne laisse pas indifférent. Pourquoi a-t-il été retiré de l’enseignement au Bénin questionne un enseignant ? J’ignore les motivations des autorités béninoises. Si j’ai un petit conseil à vous donner, c’est de vous faire une idée en vous procurant ce livre. Un piège sans fin.
Olympe Bhêly-Quenum, Noces de diamant de Un piège sans finEditions Phoenix Afrique, 2020