Je suis sortie, sorcière possédée,
qui hante l’air obscur, plus vaillante la nuit ;
rêvant du mal, j’ai fait ma tournée
au-dessus des maisons ordinaires, de lumière en lumière :
pauvre créature solitaire, à douze doigts, affolée.
Une femme comme cela n’est pas une femme, pas tout à fait.
J’ai été sa semblable.
J’ai trouvé dans les bois des cavernes bien au chaud,
je les ai remplies de poêlons, de statuettes, de rayonnages,
de placards, de soieries, de tout un bric-à-brac ;
j’ai mitonné les brouets pour les vers et les elfes ;
geignant, remettant de l’ordre dans le désordre.
Une femme comme cela est incomprise.
J’ai été sa semblable.
J’ai été trimballée dans ta charrette, cocher
j’ai salué de mes bras nus les villages à rebours,
retenant les derniers trajets éclairés, survivante
là où tes flammes mordent encore ma cuisse
et mes côtes craquent où s’enfoncent tes roues.
Une femme comme cela n’a pas honte de mourir.
J’ai été sa semblable.
*
Her Kind
I have gone out, a possessed witch,
haunting the black air, braver at night;
dreaming evil, I have done my hitch
over the plain houses, light by light:
lonely thing, twelve fingered, out of mind.
A woman like that is not a woman, quite.
I have been her kind.
I have found the warm caves in the woods,
filled them with skillets, carvings, shelves,
closets, silks, innumerable goods;
fixed the suppers for the worms and the elves:
whining, rearranging the disaligned.
A woman like that is misunderstood.
I have been her kind.
I have ridden in your cart, driver,
waved my nude arms at villages going by,
learning the last bright routes, survivor
where your flames still bite my thigh
and my ribs crack where your wheels wind.
A woman like that is not ashamed to die.
I have been her kind.
***
Anne Sexton (1928-1974) – To Bedlam and Part Way Back (1960) – The Complete Poems of Anne Sexton (Houghton Mifflin, 1981) – Traduit de l’américain par Patricia Godi.