Premier exercice du master Doug Kennedy: écrivez votre quotidien comme si c'était un roman... Perplexe je suis, je dois bien l'avouer. Je peux éventuellement tout transformer à la troisième personne. Elle se lève la tête dans le brouillard, sait elle encore quel jour on est? Peu importe, plus que 2 nuits et c'est la sortie de prison. Dix sept ans de galère administrative, comme les 17 ans de mariage. Allumage de l'ordi et plongeon dans sa vie virtuelle, celle où elle ressemble à une bomba sexy et classy à la fois. Elle pense, de l'émotion, de l'émotion, c'est ça qui est important non? Tous les maîtres scriptor le disent, sans émotion, pas d'accroche, pas de lien avec ce lecteur qu'il faut séduire à tout prix. La séduction, elle connaît, une pratique naturelle chez elle. Signe d'abandon à la petite enfance pense-t-elle, besoin égotique et névrotique d'être vue, tout le temps, tout le temps, sinon elle meurt, elle cesse d'exister, comme cet objet quantique qu'on ne regarde pas, délaissé, humilié, ni vivant, ni mort. Le chat! Alors, elle retrouve l'amant, elle danse, elle parle, de tout, de rien, et lui, il est comme le loup face à l'agneau, il se pourlèche les babines en prévision d'une séance sexe qui ne saurait tarder. Seulement voilà, elle n'est pas d'humeur, l'esprit toujours embrumé par des rêves de midinette. Regarde moi, vois moi maintenant. Ce "voyez moi maintenant", celui de Dracula quand il désire Mina, lorsqu'affamé il pose un regard sur elle, amour éperdu, perdu dans le temps, jamais il ne pensait la revoir. Et pourtant la voilà, à la fois fragile et forte. Elle sait ce qu'elle veut et ce prince l'intrigue. La bête a disparu pour laisser place à cet homme magnifique qui la dévore déjà. Elle pose un masque sur son visage, mais pour qui me prenez-vous monsieur. Elle fait mine de s'enfuir, tout en espérant qu'il la suive. Il fait mieux. Il disparaît pour mieux réapparaître devant elle. Il lui prends la main et dit : "Permettez-moi de me présenter, Prince Vlad De Sequai, votre serviteur :). Elle cède, hypnotisée, déjà dans la passion.
C'est le rêve qui la hante depuis la nuit des temps, à travers toutes ses vies, elle a cherché l'autre pièce de son chaotique puzzle. Là, dans le virtuel, elle a des chances de le revoir et de revivre le rêve de l'embrasement soudain, total , complet. Même si elle quitte cette réalité fabriquée, son esprit reste là, elle anticipe déjà son prochain retour. Quelle robe, quels bijoux, quel yeux vais-je choisir, qu'il tombe en extase, pâmoison qu'elle pense mortel. Plonger dans les mots encore et encore, refuge, libération, elle décolle et se lance, ailes déployées, mordorées, un éclat de soleil sur les plumes noires, le cœur solidement accroché à ses rêves. Retour vers l'écran du réel, elle ouvre Spotify, allume une cigarette, ajoute le son, choisi Franz Zimmer, du velours pour ses oreilles. Le cappuccino dégringole lentement, le long de sa gorge et elle repart de plus belle. La vie c'est du cinéma, elle veut que sa vie soit un film perpétuel dans lequel, bien évidemment elle est la star. Évoluant au gré des notes, elle voit ces chevaliers de Sangreal, chevauchant des montures puissantes, stratégiquement ordonnés, galop séculaire. La charge finale, panache irrémédiable, c'est la mort qui les attend. A chaque fois, elle est obligée de ramener ses pensées vers l'écran, l'autre, dans ce monde parallèle qui tombe en lambeau.