Depuis plus de 20 ans, ils sont établis dans la commune de façon pratiquement légale.
«J’ai mené mes propres enquêtes dans mon canton à Somié, et, j’ai recensé plus de 2000 enfants et majeurs qui sont détenteurs de faux actes de naissance. Monsieur le maire, la situation est inquiétante il faut faire quelque chose». Ces propos sont ceux de Sa Majesté Ernest Kunaka, chef du canton de Somié dans l’arrondissement de Bankim. C’était le 08 décembre 2020 qu’il a craché cette pilule difficile à avaler, lors du conseil municipal de la commune de Bankim.
En effet, depuis le début des années 2000, les actes de naissance qui sont établis aux enfants nés dans l’arrondissement de Bankim, n’ont pas de souche. La proximité de cette partie du Cameroun avec le Nigeria voisin, laisse croire que la nationalité camerounaise a été bradée du côté de Bankim depuis des décennies. «Le problème d’acte de naissance sans souche, date depuis des décennies. Vous savez que j’ai passé 18 ans à la tête de la commune de Bankim, donc j’ai hérité de ce problème. Tous les jours on cherchait à étouffer ce mal, mais malheureusement il allait grandissant ; ça il faut aussi le reconnaitre. C’est tout le monde qui vient faire des actes, les gens du Nord-Ouest également», avoue Philippe Njowé, ancien maire de la commune de Bankim. Ainsi, l’homme qui a été à la tête de cette commune pendant au moins 18 ans et qui vient d’être évincé lors de la dernière élection municipale de février 2020, pointe un doigt accusateur sur les officiers d’état-civil, refusant d’assumer sa responsabilité en tant que patron de cette mairie à l’époque. «Même les secrétaires d’état-civil sont souvent complices de ce genre de chose. Les registres avaient des souches, mais ce sont des actes faits de manière non régulière à la mairie ; c’est de ça qu’il s’agit. Il y avait même des gens qui imitaient des signatures. Nous avons commencé à ramener ces actes pour leur faire des jugements de reconstitution en passant par le tribunal qui fait un jugement supplétif. Il y a aussi un problème au niveau des centres secondaires d’état-civil où la plupart des officiers d’état-civil sont morts et n’ont pas été remplacés. Donc, les secrétaires continuent à faire ce travail comme si c’était ces officiers qui le faisaient», se dédouane Philippe Njowé.
En réalité, la déclaration faite par Sa Majesté Ernest Kunaka le 08 décembre dernier, est venue juste confirmer les réalités vécues quotidiennement par la nouvelle équipe dirigeante de la commune de Bankim. «Lorsque les enfants se rendent au commissariat pour se faire établir une carte nationale d’identité par exemple, la police les renvoie à la commune pour authentifier leurs actes de naissance. C’est donc lorsque ces enfants arrivent chez nous qu’on constate que ces actes n’ont pas de souches au niveau de la mairie», affirme Angelbert Mveing, actuel maire de la commune de Bankim. C’est dire que si cette pratique existe depuis les années2000, certains fils et filles de Bankim qui sont aujourd’hui dans les universités et autres grandes écoles, auront de la peine à se faire établir un duplicata de leurs actes de naissance s’ils arrivaient un jour à perdre les actes «originaux» qu’ils possèdent. Ainsi, la nouvelle équipe dirigeante de la commune de Bankim lance déjà un appel pour un début de solution. «Je profite de l’occasion que vous m’offrez pour demander à tous ceux qui sont nés dans l’arrondissement de Bankim entre 2000 et 2019, à passer authentifier leurs actes de naissance à la mairie», exhorte le maire Angelbert Mveing.
Si le seul canton de Somié peut déjà avoir plus de 2000 actes de naissance sans souches, l’on se pose la question de savoir, quel sera le chiffre exact lorsqu’on aura aussi fait les décomptes dans les cinq autres cantons de Bankim ? Le chiffre sera forcément alarmant sans doute. «Nous sommes en train de lancer le projet d’assainissement du fichier d’état-civil dans la commune de Bankim avec l’établissement en masse des actes de naissance à ceux qui n’en n’ont pas, et la reconstitution de ceux des actes de naissance qui n’ont pas de souches», annonce Angelbert Mvéing, maire Rdpc de la commune de Bankim. Une telle action nécessite alors une mobilisation et une implication de l’élite de cette contré, et certaines âmes de bonne volonté. Déjà, l’actuelle équipe de la commune de Bankim qui a pris les choses en main depuis mars 2020, a établi plus de 1000 actes de naissance à ceux qui n’en avaient pas, et, beaucoup reste encore à faire. «Vous me donnez ici l’occasion de remercier le président du tribunal de Banyo et toute son équipe qui nous facilitent la tâche dans l’établissement des jugements supplétifs, ainsi que le Bunec qui nous ravitaille régulièrement en registre d’état-civil», fait savoir Angelbert Mvéing.