(Anthologie permanente) Gendun Chöp'el (revue K.O.S.H.K.O.N.O.N.G)

Par Florence Trocmé


Ce choix a aussi pour but de mettre en valeur la revue K.O.S.H.K.O.N.O.N.G, dirigée par Jean Daive et éditée par Eric Pesty.
Le numéro 19 propose un poème du poète tibétain Gendun Chöp’el présenté et traduit par Bénédicte Vilgrain.
Gendun Chöp’el. Né en 1903 en Amdo à l'est / nord-est du Tibet. Un provincial. Mort en 1951 à Lhasa, au moment de l'arrivée des Chinois dans la ville. (Voir « Une grammaire tibétaine », chapitre dix, Éric Pesty Éditeur, 2012.)
Longue vie de voyages-pèlerinages en Inde.
Le poème est célèbre : le voici sur le net
Gendun Chöp’el l'a écrit pour évoquer son départ de Labrang, collège monastique où il avait étudié sept ans. Il semble qu'on ne sache toujours pas pourquoi il en est brusquement parti. Chassé par les autorités ? Chassé, parce qu'il était un rhéteur ? Quelqu'un pour qui la rhétorique autorisait toutes les thèses (il avait soutenu sa thèse sur un sujet parfaitement hétérodoxe à la pensée bouddhiste : l'âme supposée des plantes) ...
Gendun questionne, et accuse. Il accuse d'autres moines plus « arrivés » de s'être nourris à tous les râteliers...
Ou alors, le poète fut chassé parce qu'il aimait bricoler des jouets mécaniques... Et ce poème est un jouet. C'est un poème acrostiche alphabétique.
Chaque vers commence par une lettre, dans l'ordre de l'alphabet tibétain : Ka. Khà. G'a. Ngq., etc.
Je l'ai traduit en français — sur une invitation de Pascal Poyet à lire aux Laboratoires d'Aubervilliers — par un poème acrostiche alphabétique, dans l'ordre de notre alphabet latin, qui comporte moins de lettres.
Bénédicte Vilgrain
Ah ! Après mon départ pour d'autres lieux les
Bêtas de vieillards ont déblatéré
Car l'oracle de qui tout dépend m'aurait
Disent-ils exclu pour excès d'arrogance.
Eux croient en la purification par le garant des lois. Af-
Fidés ou non de toute part déambulent se
Gobergeant de tchang, thé, brebis séchée, viande revendue :
Honte aux impurs, l'oracle a-t-il autorisé qu'
Ils restent ? Se drapent dans les arcanes de leurs
Jupons ? Végétation idéale pour le recel de
Kanifes, outils répréhensibles, et plants de thé.
Les reconduire (eux) aux frontières ne serait pas un
Mal. D'année en année ils sont de plus en plus
Nombreux. Nous qui comme Vénus n'avons pas la foi,
Oracle, pourquoi disent-ils que tu nous indésires ?
Parasites, bovins, femelles de yaks, oisillons, tous
Qu'on dit animaux-impurs, pourquoi ne pas les ext-
Rader ? L'oracle a des crocs, n'en est pas moins
Seigneur. Chaud ou froid, les épreuves
Tombent sur des auditeurs impassibles qui sans les
Usurper ont intégré les révélations du Bouddha
Victorieux. Bannir de tels disciples, so
What ? Sous leurs beaux chapeaux, lamas bottés sont
Xénophobes, alors on les affecte au centre. Il n'
Y a pas de frugalité condamnable, je me nourris de
Zestes de riens, et on m'invective. Nihilisme,
Auquel des deux partis en imputer le tort ?
Boniments, puisque la hiérarchie s'en fiche.
Connaissance des apocryphes est arrogance,
Dit-on, une arrogance bannissable. Dealer n'
Entraîne aucune réprimande : venaisons,
Fumée de tabac, bière, de tels commerces ne sont pas
Goujats ?... pourtant, à y regarder de plus près...
Ha ha, prenez la peine de vérifier ! Soyez plus
Inquisiteurs envers vos maîtres instructeurs.
J’assume mes propos, moi qu’on dit un rhéteur :
Gendun Chöp’el, de la lignée des lions
Poèmes acrostiche alphabétique adressé à Labrang.
Le numéro 19 de la revue K.O.S.H.K.O.N.O.N.G comporte aussi : Alexander Kluge & Jean Daive (entretien traduit par Michèle Cohen-Halimi) ; Claude Royet-Journoud ; Gendun Chöp'el (traduit par Bénédicte Vilgrain) ; Luc Bénazet ; Pauline Von Aesch ; Marlene Dumas (traduit par Martin Richet).
Abonnement pour trois numéros (1 ans), 29 €. Sur le site des éditions Eric Pesty