Dans le sillage de la crise sanitaire, qui a tant impacté les habitudes de consommation dans le monde entier, l'équivalent britannique de l'INSEE (en France), de Statbel (en Belgique) ou de Statistiques Canada ajoute depuis cette semaine à ses analyses hebdomadaires une nouvelle série d'indicateurs que la banque centrale élabore avec lui à partir d'un extrait des flux de transactions par carte (de débit et de crédit) enregistrés sur la plate-forme de compensation interbancaire (CHAPS) qu'elle gère.
À ce stade, la démarche reste expérimentale, aussi son périmètre paraît-il restreint : la collecte concerne uniquement les dépenses – anonymisées et agrégées, naturellement – réalisées auprès d'une centaine de grandes enseignes de la distribution, réparties dans 4 grandes catégories (essentielles, différables, sociales et liées à l'activité professionnelle). Cependant, l'objectif principal étant d'abord de surveiller les variations dans les comportements de la population, ces limitations ne nuisent pas à la qualité des résultats.
D'emblée, l'ONS souligne la valeur de ces mesures et, en particulier, leur complémentarité avec sa production classique. Ainsi, l'accès aux données de paiement lui procure d'abord une réactivité inédite, avec une capacité d'évaluation pratiquement au jour le jour, à comparer aux études mensuelles existantes, reflétant des observations décalées de plusieurs semaines. D'autre part, il lui devient également possible de capter des informations sur des domaines ignorés jusqu'alors (transports, divertissements…).
La transition d'une partie toujours croissante des échanges financiers vers des instruments numériques, qui s'accélère dans la situation actuelle, et le développement rapide des modèles de partage ou de commercialisation des données correspondantes représentent une opportunité extraordinaire pour tous les professionnels de la statistique, susceptibles d'y trouver une exhaustivité, une précision, une immédiateté sans commune mesure avec ce qu'ils obtiennent par des approches traditionnelles.
Dans cette perspective, la démarche de l'ONS britannique ressort comme une évidence. A contrario, elle encourage à se demander pourquoi elle n'est pas déjà universellement répandue dans toutes les organisations équivalentes à travers le monde ? Les instituts de statistiques sont-ils trop attachés à leurs vieux procédés pour réaliser que des solutions différentes sont aujourd'hui disponibles et méritent leur attention, au moins pour enrichir leur arsenal présent ? Ou bien éprouvent-ils des difficultés à identifier et à s'accorder avec les fournisseurs de la matière première qui leur permettrait de progresser ?