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Benjamin Stora – Photo Ludovic Marin/AFP
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(in Lemonde.fr- 23.01.2021).
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Benjamin Stora, historien, spécialiste du Maghreb contemporain et auteur du rapport sur « les questions mémorielles portant sur la colonisation et la guerre d’Algérie », remis ce mercredi au Président de la République . Sortira en mars « France-Algérie, les passions douloureuses » (Albin Michel), est l’invité de 7h50.
Pour l’historien, « il est évident pour beaucoup d’Européens d’Algérie que ça reste une question douloureuse ; la grande question c’est de comprendre la souffrance de l’autre, des Algériens. Il faut fabriquer un discours qui permettent d’unifier les mémoires »
Interviewé par Léa Salamé
France Inter, jeudi 21 janvier 2021, 7h50
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Emmanuel Macron avait commandé en juillet dernier à Benjamin Stora un rapport pour surmonter les difficultés héritées de la colonisation et qui rendent difficiles les relations en la France et l’Algérie.
Ce rapport a été remis ce mercredi 20 janvier.
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Mediapart.fr 20 janvier 2021, par Rachida El Aazzouzi
France-Algérie: le rapport Stora privilégie une commission «Mémoire et vérité» à des excuses officielles
Dans son rapport sur la colonisation et la guerre d’Algérie remis mercredi à l’Élysée, l’historien Benjamin Stora préconise une commission « Mémoire et vérité » pour impulser des initiatives mémorielles de part et d’autre de la Méditerranée. Mais déconseille au président Macron des excuses officielles.
C’est un rapport éminemment sensible dont la remise officielle a plusieurs fois été repoussée. Au point que son auteur s’en était inquiété, craignant que sa mission soit devenue encombrante pour son commanditaire, Emmanuel Macron, président d’une République où le premier ministre clame à la télévision que « nous n’avons pas à « nous autoflageller, regretter la colonisation, et je ne sais quoi encore ». Le rapport est enfin public.
Ce mercredi 20 janvier, l’historien Benjamin Stora a remis à l’Élysée ses travaux sur « les mémoires de la colonisation et de la guerre d’Algérie », ainsi que ses propositions en vue de favoriser « la réconciliation entre les peuples français et algérien ». La remise a eu lieu en comité restreint en fin d’après-midi, la semaine où a démarré à l’Assemblée nationale l’examen du projet de loi « séparatisme » (ou « confortant le respect des principes de la République »). La semaine aussi où l’exécutif s’est enorgueilli d’avoir imposé « une charte des principes pour l’islam de France ». Un agenda qui ne doit rien au hasard.
Benjamin Stora, l’un des principaux spécialistes français de l’Algérie, avait été chargé en juillet dernier par Emmanuel Macron de « dresser un état des lieux juste et précis du chemin accompli en France sur la mémoire de la colonisation et de la guerre d’Algérie » tandis qu’en Algérie, dans une démarche parallèle inédite, le président algérien désignait Abdelmadjid Chikhi, l’inamovible directeur général des archives algériennes, pour mener « un travail de vérité entre les deux pays »…
Dans son discours en octobre aux Mureaux (Yvelines), Emmanuel Macron avait déclaré que « le séparatisme islamiste » était en partie « nourri » par les « traumatismes » du« passé colonial » de la France et de la guerre d’Algérie, qui « nourrit des ressentiments, des non-dits » « toujours pas réglés ».
« On a trop oscillé entre le déni et le non-dit depuis 60 ans, renchérit aujourd’hui son entourage. Il faut en sortir pour empêcher qu’un prurit mémoriel malsain et contre la République se produise. On constate très souvent que cette histoire est mal racontée, parfois pour des raisons politiques malsaines, à la jeune génération d’aujourd’hui. »
Benjamin Stora, qui a mené seul cette mission, formule dans son rapport une trentaine de recommandations concrètes pour sortir de l’ornière à l’approche du soixantième anniversaire de l’indépendance de l’Algérie en 2022, et de la fin d’un conflit que la France n’a nommé « guerre » qu’en 1999, usant du terme « événements d’Algérie » durant des décennies.
Au risque de servir la dépolitisation de la question coloniale qui provoque des débats d’une ampleur inédite et se trouve au cœur du renouveau du mouvement antiraciste, Benjamin Stora se refuse cependant à prôner tout grand discours officiel symbolique d’excuses, ce que réclament les autorités algériennes depuis plusieurs années.
L’Élysée s’en réjouit : « C’est un des grands apports du rapport de Benjamin Stora. Il n’est pas question de repentance, de présenter des excuses. La repentance est vanité ; la reconnaissance est vérité. Et la vérité, elle se construit par les actes. »
L’entourage du président rappelle les propos prononcés à Alger par Emmanuel Macron candidat à la présidentielle, lorsqu’il a dénoncé en 2017 la colonisation comme « un crime contre l’humanité, une vraie barbarie » : « Le président ne regrette pas ses propos qui ont créé des polémiques franco-françaises qui renvoient à la nécessité de regarder cette histoire en face. Ayant dit cela, que pouvait-il dire de plus ? Il n’y a rien à dire de plus. En revanche il y a beaucoup à faire. »
« Faire des discours, cela a été fait mais après, chacun rentre chez soi, il ne se passe pas grand-chose. Mon rapport est réformiste, ce n’est pas un texte révolutionnaire pour dénoncer les crimes du colonialisme qui l’ont déjà été de Césaire à Macron », abonde auprès de Mediapart Benjamin Stora, qui « veut avancer concrètement plutôt que perdre du temps à s’empailler idéologiquement ».
Sur ce point, l’historien se prépare aux critiques d’une partie de la gauche et assure ne pas chercher à satisfaire ceux qui pensent, comme à l’extrême droite et à la droite de l’échiquier politique, à l’image du premier ministre Jean Castex, que la France n’a pas à «s’autoflageller, regretter la colonisation ». « Tout le sens de mon rapport est la dénonciation du système colonial. Tout le long du rapport, j’explique que le colonialisme a été condamné comme un crime dans de multiples discours présidentiels français. Pourquoi donner argument à l’extrême droite en parlant de “repentance” pour la laisser détruire l’ensemble du rapport, alors que moi je veux avancer pratiquement ? L’extrême droite n’attend que cela, que j’utilise le mot fétiche – repentance –, un mot qu’elle nous a imposé comme des écrans, des murs, pour ne pas affronter la réalité du passé colonial. Je ne leur ferai pas ce cadeau. »
Dans son rapport, l’historien, qui commence par disséquer les effets des mémoires de la colonisation et de la guerre d’Algérie sur la société française, « de l’installation de l’oubli à la séparation des mémoires », invite à ne pas aller sur le terrain d’un débat idéologique centré sur la repentance et à « emprunter d’autres chemins, une autre méthode pour parvenir à la réconciliation des mémoires ».
« Le Japon s’est déjà excusé dix fois mais ils n’ont rien changé à leur manière de concevoir la question coloniale en Chine et en Corée, confie à Mediapart le chercheur. Ils n’ont pas fait d’indemnisation. Ils n’ont rien réparé. Ils ont même honoré des criminels de guerre. Les Américains ont fait cela aussi avec le Vietnam. S’excuser tout le temps, qu’est-ce que cela change au comportement de la société américaine ? Rien du tout. »
Plutôt que de parler de « repentance », l’historien appelle la France « à reconnaître les discriminations et exactions dont ont été victimes les populations algériennes » en mettant en avant des faits précis. « Car les excès d’une culture de repentance, ou les visions lénifiantes d’une histoire prisonnière des lobbies mémoriels, ne contribuent pas à apaiser la relation à notre passé. »
Pour Benjamin Stora, « la mémoire revêt un aspect concret, pratique, pas seulement un aspect idéologique de condamnation ». « Ce qui m’intéresse, c’est d’avancer sur chacun des dossiers, d’ouvrir des portes, sur les archives, les essais nucléaires, les cimetières, les harkis, le napalm, la torture, la panthéonisation de Gisèle Halimi, etc. Comment on fait pour savoir qui sont les disparus, comment on parle aux jeunes, qu’est-ce qu’on met dans les manuels scolaires sur la colonisation, quel rétablissement de vérité sur les assassinats ? »
Dans son rapport de quelque 200 pages, qui deviendra en février un livre, France-Algérie, les passions douloureuses, aux éditions Albin Michel, il liste ainsi une trentaine de préconisations pour « regarder et lire toute l’histoire, pour refuser la mémoire hémiplégique ». Certaines sont connues, réclamées depuis longtemps, de vieux projets ou serpents de mer, d’autres sont inédites.
S’il ne les a pas hiérarchisées, faute de temps – « Je n’ai eu que quatre mois » –, il dessine cependant des priorités : l’ouverture des archives, la question des disparus, la reconnaissance par l’État français de sa responsabilité dans la mort du héros nationaliste algérien Ali Boumendjel, la panthéonisation de l’avocate Gisèle Halimi, connue pour son combat pour les droits des femmes mais moins pour celui contre le colonialisme, un meilleur enseignement de l’histoire de la guerre et de la colonisation de l’Algérie, la préservation des cimetières, etc.
Quelles suites concrètes le président de la République va-t-il donner au rapport Stora, alors qu’il légitime les traditionnelles obsessions identitaires françaises et que le climat politique se durcit et fait prospérer les idées d’extrême droite ? Premier président français à être né après l’indépendance de l’Algérie, Emmanuel Macron fait preuve d’un certain volontarisme sur la question algérienne, plus que ses prédécesseurs, qui se sont surtout contentés de discours.
Après avoir déclaré pendant la campagne présidentielle de 2017 que la colonisation était « un crime contre l’humanité », pour ne plus en parler ensuite, Emmanuel Macron a reconnu, une fois élu, la responsabilité de l’État français dans l’assassinat du militant communiste Maurice Audin. Il a, dans le même temps, admis le recours systémique à la torture pendant la guerre d’Algérie.
Une semaine après sa visite à Josette Audin, il a également honoré des harkis, ces combattants algériens qui ont servi la France puis qui ont été abandonnés par les autorités françaises dans des conditions tragiques. Il a encore restitué à Alger, début juillet, vingt-quatre crânes de résistants algériens décapités pendant l’interminable et sanglante conquête de l’Algérie par la France au XIXe siècle, crânes qui étaient entreposés au musée de l’Homme. Un geste qualifié de « grand pas » par Alger.
« Il peut s’autoriser ce travail, car il n’est ni un acteur ni un témoin engagé de cette période. Comme Jacques Chirac avait regardé la rafle du Vél d’Hiv en face, il peut générationnellement regarder en face cette histoire », plaide son entourage. Mais jusqu’au où ira le chef de l’État dans la mise en pratique du rapport Stora ? L’historien espère « ne pas avoir travaillé pour rien », que son rapport ne sera pas un énième rendez-vous manqué avec l’Histoire : « Si on veut connaître la vérité et la réconciliation, il faut que l’État s’investisse, mette des moyens. »
L’Élysée assure qu’il y aura « des mots » et « des actes » dans « les prochains mois », tout en précisant qu’« une période de consultations » s’ouvre, que « rien ne se fera sans concertation », que le chef de l’État « s’exprimera en temps et en heure » sur les préconisations du rapport », qu’il est « déterminé à construire une mémoire de l’intégration républicaine, partagée par tous les citoyens, quelles que soient leur culture, origine, formation ». Est aussi annoncée la participation du président à trois journées de commémorations : la journée nationale des harkis le 25 septembre, la répression meurtrière de la manifestation pacifique d’Algériens le 17 octobre 1961 et les soixante ans des accords d’Évian le 19 mars 2022, à un mois de l’élection présidentielle.
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Rfi.fr
En France, c’est aujourd’hui que l’historien Benjamin Stora remet son rapport sur la colonisation en Algérie et la guerre d’indépendance au président français. Un rapport qu’Emmanuel Macron lui avait commandé en juillet dernier. Objectif : surmonter les difficultés héritées de ce passé non soldé qui empoisonnent les relations franco-algériennes. Benjamin Stora va ainsi formuler toute une série de propositions.
Emmanuel Macron dit vouloir œuvrer à la réconciliation des peuples français et algérien. C’est dans ce cadre qu’il a sollicité l’été dernier cet historien né à Constantine, reconnu aussi bien dans l’Hexagone que de l’autre côté de la Méditerranée pour réfléchir à la question mémorielle.
Car ce sujet plus que tout autre ne cesse depuis 60 ans d’empoisonner les relations entre les deux pays. Ainsi, dans le rapport qu’il remet ce mercredi au président, l’historien prône la réconciliation des mémoires entre la France et Algérie mais aussi au sein même de la société française entre harkis, pieds noirs et binationaux. Objectif à terme pour l’historien : « que les Français comprennent ce qu’a été le vécu algérien et que les Algériens rentrent aussi dans ce qui a été l’histoire française de la guerre d’Algérie ».
Alors, comment parvenir à un tel résultat ? Benjamin Stora formule plusieurs propositions concrètes, comme l’enseignement de l’histoire de la colonisation et la reconnaissance de certaines figures de la guerre d’Algérie. L’idée est notamment formulée de faire entrer au Panthéon Gisèle Halimi. Cette avocate anti-colonialiste est notamment célèbre pour avoir défendu des militants FLN durant la guerre d’Algérie.
L’historien émet également des propositions concernant les archives sans qu’on en connaisse précisément le contour. Le sujet est là extrêmement sensible. Alger demande depuis des années que lui soit remis la totalité des archives de la période coloniale la concernant.
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ouest-France.fr
L’historien français Benjamin Stora remet mercredi à Emmanuel Macron son très attendu rapport sur la colonisation et la guerre d’Algérie (1954-1962) pour tenter de « décloisonner » des mémoires divergentes et douloureuses entre les deux pays, aux relations aussi étroites que complexes.
Spécialiste reconnu de l’histoire contemporaine de l’Algérie, Benjamin Stora a été chargé en juillet par le président français de « dresser un état des lieux juste et précis du chemin accompli en France sur la mémoire de la colonisation et de la guerre d’Algérie », achevée en 1962 et qui reste un épisode très douloureux dans les mémoires des familles de millions de Français et d’Algériens.
L’historien veut promouvoir une « volonté de passage, de passerelle, de circulation, de décloisonnement des mémoires », a-t-il déclaré mardi, ajoutant que son rapport serait concret.
« Ce n’est pas simplement idéologique, ce n’est pas simplement des discours qu’on prononce, des mots fétiches qu’on prononce, mais des actes, c’est-à-dire ouvrir des archives, identifier des lieux, chercher des disparus, entretenir des cimetières. Ce sont des choses qui sont très simples, très pratiques, très évidentes mais qui sont autant de contentieux, de problèmes très lourds entre la France et l’Algérie », a-t-il énuméré, sans dévoiler le contenu du rapport rendu public mercredi.
Premier président français né après cette guerre, Emmanuel Macron affiche sa volonté de dépassionner et débloquer ce dossier brûlant et tenter, par ce biais, d’apaiser des relations bilatérales volatiles depuis des décennies entre les deux pays, intimement liés par l’Histoire, de la conquête et la colonisation de 1830 à la Guerre d’indépendance.
En Algérie, le président Abdelmadjid Tebboune a chargé le directeur des archives nationales, Abdelmadjid Chikhi, de travailler sur la question mémorielle, de concert avec Benjamin Stora, dans une démarche commune et concertée des deux chefs d’État.
À l’approche du 60e anniversaire de la fin du conflit en 2022, Emmanuel Macron a confié à Benjamin Stora ce rapport dans le cadre de ses initiatives pour tenter de « finir le travail historique sur la guerre d’Algérie » parce que, a-t-il expliqué en décembre, « nous avons des tas de mémoires de la guerre d’Algérie qui sont autant de blessures ».
Rien qu’en France, l’Algérie est présente dans les mémoires familiales de millions de Français ou d’Algériens, qu’il s’agisse de rapatriés pieds-noirs, d’appelés du contingent qui ont fait la guerre (qui n’a pas été appelée comme telle pendant longtemps mais désignée par le vocable d’« événements d’Algérie »), de harkis, ces supplétifs qui ont combattu pour la France, et bien sûr des immigrés algériens…
« Sortir des conflits mémoriels »
Dans la lettre de mission de Benjamin Stora, Emmanuel Macron indique qu’« il importe que l’histoire de la guerre d’Algérie soit connue et regardée avec lucidité. Il en va de l’apaisement et de la sérénité de ceux qu’elle a meurtris ». Pour lui, il en va aussi « de la possibilité pour notre jeunesse de sortir des conflits mémoriels ».
Côté algérien, le président Tebboune a souhaité que MM. Stora et Chikhi accomplissent « leur travail dans la vérité, la sérénité et l’apaisement pour régler ces problèmes qui enveniment nos relations politiques, le climat des affaires et la bonne entente », comme il l’avait expliqué au quotidien français L’Opinion.
Alger attend de Paris qu’on lui remette « la totalité » des archives de la période coloniale (1830-1962) la concernant.
La France a restitué à l’Algérie une partie des archives qu’elle conservait, mais elle a gardé la partie concernant l’histoire coloniale et qui relève, selon elle, de la souveraineté de l’État français.
Né en 1950 à Constantine, en Algérie, Benjamin Stora enseigne l’histoire du Maghreb, des guerres de décolonisation et de l’immigration maghrébine en Europe à l’Université Paris 13 et à l’Inalco (Langues Orientales).
Il est notamment l’auteur des essais « La gangrène et l’oubli, la mémoire de la guerre d’Algérie », « Appelés en guerre d’Algérie » ou « Algérie, la guerre invisible ».
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Le Quotidien d’Oran, 21 janvier 2021
par El-Houari Dilmi
Rapport Stora sur la colonisation: Pas de «repentance ni d’excuses»
La « réconciliation des mémoires », voulue par l’Elysée, n’est pas pour demain. En effet, alors que la remise du rapport Stora sur la colonisation et la guerre d’Algérie était attendue pour hier mercredi en milieu d’après-midi, la présidence française a annoncé que « des actes symboliques sont prévus mais il n’y aura ni repentance ni excuses».
L’Elysée a précisé, dans son communiqué, qu’Emmanuel Macron « participera à trois journées de commémoration dans le cadre du 60e anniversaire de la fin de la guerre d’Algérie en 1962 : la journée nationale des harkis le 25 septembre, la répression d’une manifestation d’Algériens le 17 octobre 1961 et les Accords d’Evian du 19 mars 1962 ». L’historien français Benjamin Stora devait remettre hier à l’Elysée, le rapport dont l’a chargé en juillet Emmanuel Macron pour «dresser un état des lieux juste et précis du chemin accompli en France sur la mémoire de la colonisation et de la guerre d’Algérie». Macron « s’exprimera en temps et en heure sur les préconisations de ce rapport et de la commission qui sera chargée de les étudier », a encore précisé la présidence française. « Il y aura des mots et des actes du président dans les prochains mois », selon le communiqué de l’Elysée, pour lequel s’ouvrait une « période de consultations ». Il s’agit de « regarder l’histoire en face d’une façon sereine apaisée, afin de construire une mémoire de l’intégration », est-il indiqué dans le texte rendu public par l’Elysée. C’est « une démarche de reconnaissance, mais il n’est pas question de repentance et « de présenter des excuses », a tranché la présidence française, en s’appuyant sur l’avis de Benjamin Stora qui cite en exemple le précédent des excuses présentées par le Japon à la Corée du Sud et à la Chine sur la Deuxième Guerre mondiale qui n’ont pas permis de « réconcilier » ces pays. Inspirés des 22 recommandations du rapport Stora, figure parmi les actes envisagés, l’entrée de l’avocate anticolonialiste Gisèle Halimi, décédée le 28 juillet 2020, au Panthéon qui accueille les héros de l’Histoire de France. Un hommage solennel devrait lui être rendu aux Invalides au printemps «quand les circonstances sanitaires le permettront», toujours selon le palais de l’Elysée.
La présidence française a par ailleurs souligné qu’Emmanuel Macron ne « regrettait pas » ses propos prononcés à Alger en 2017 dénonçant la colonisation comme « un crime contre l’humanité ». « Que pouvait-il dire de plus ? Il n’y a rien à dire de plus, en revanche, il y a beaucoup à faire », souligne le communiqué de l’Elysée.
« L’historien souhaite la mise en place d’une commission « Mémoire et Vérité » chargée d’impulser des initiatives mémorielles communes entre les deux pays », rapportait le Journal Le Monde dans son édition d’hier. L’historien propose que cette commission soit composée de « différentes personnalités engagées dans le dialogue franco-algérien », selon le même journal, qui précise que cette commission « pourrait formuler des recommandations sur 22 points ». Parmi ces points figurent la question des archives, le dossier des disparus (algériens et européens), les déchets issus des essais nucléaires français en Algérie et la pose des mines aux frontières algériennes, les restes humains des résistants algériens conservés au Muséum national d’histoire naturelle, ou encore le canon de Baba Merzoug pour lequel une commission franco-algérienne d’historiens sera créée afin « d’établir l’historique du canon « La Consulaire », ravi lors de la conquête d’Alger en 1830 et installé à l’arsenal de Brest, et de «formuler des propositions partagées quant à son avenir, respectueuses de la charge mémorielle qu’il porte des deux côtés de la Méditerranée ».
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El Watan, 20 janvier 2021
Nadjia Bouzeghrane
Stora remettra son rapport sur «les mémoires de la colonisation et de la guerre d’Algérie» aujourd’hui : A l’épreuve de l’écueil des lobbies mémoriels
La réconciliation des différentes mémoires liées à la colonisation française et à la guerre d’Algérie est un jalon – primordial – à la construction d’un partenariat d’exception voulu par les présidents Tebboune et Macron.
L’historien Benjamin Stora remettra officiellement aujourd’hui au président Emmanuel Macron son rapport sur «Lesmémoires de la colonisation et de la guerre d’Algérie», avec des propositions pour parvenir à «une nécessaire réconciliation» franco-algérienne, a indiqué dimanche l’Elysée.
L’historien français «formule dans son rapport plusieurs recommandations qui visent à parvenir à cette nécessaire réconciliation des mémoires», ajoute l’Elysée.
«Il n’est pas question d’écrire une histoire commune de l’Algérie, mais d’envisager des actions culturelles sur des sujets précis, à déterminer, comme par exemple les archives ou la question des disparus», avait expliqué en août Benjamin Stora.
Les présidents français et algérien ont désigné chacun un expert – Abdelmadjid Chikhi pour l’Algérie – afin de travailler sur ce dossier toujours brûlant, à l’approche du 60e anniversaire de l’indépendance de l’Algérie (1962).
Benjamin Stora a été chargé le 24 juillet 2020 par Emmanuel Macron de «dresser un état des lieux juste et précis du chemin accompli en France sur la mémoire de la colonisation et de la guerre d’Algérie».
Emmanuel Macron l’a chargé de ce rapport dans le cadre de ses initiatives pour tenter de «finir le travail historique sur la guerre d’Algérie» parce que, a-t-il expliqué en décembre, «nous avons des tas de mémoires de la guerre d’Algérie qui sont autant de blessures». «Je souhaite m’inscrire dans une volonté nouvelle de réconciliation des peuples français et algérien», avait précisé Emmanuel Macron pour lequel «le sujet de la colonisation et de la Guerre d’Algérie a trop longtemps entravé la construction entre nos deux pays d’un destin commun en Méditerranée». «On a à finir le travail historique sur l’Algérie», avait-il déclaré dans une interview accordée au site en ligne Brut. La France «doit regarder son passé avec les historiens et de manière très réelle».
Le temps d’un apaisement des mémoires est-il venu ? Alors que les obstacles qui parsèment le chemin à parcourir sur ce sentier tracé en vue de favoriser une réconciliation franco-algérienne ne sont pas des moindres.
A peine désigné pour faire ce travail, l’historien a dû essuyer les tirs croisés des nostalgiques de «l’Algérie française». C’est ainsi que l’écrivain Jean Sevilla lui a reproché une vision «partielle donc partiale» à l’égard de la mémoire algérienne de la
colonisation française et de la guerre d’Algérie dans un texte publié sur FigaroVox le 27 juillet.
Réagissant à ces attaques, Stora a rappelé que ses travaux ont porté sur la mémoire des deux camps, y compris grâce à l’étude des archives militaires françaises. «Bien entendu, Jean Sévilla peut être en désaccord avec mes travaux, mais il n’est pas possible d’en nier la pluralité, sur ces questions complexes, depuis plus de quarante ans».
«A travers les archives écrites, la presse, les témoignages et aussi les images… j’ai essayé de comprendre les motivations des Algériens, des musulmans, mais aussi des juifs et des Européens, c’est-à-dire de toutes les communautés. Pas simplement de donner de restituer des visions à partir d’un seul aspect ou d’une seule dimension, mais de croiser les points de vue pour dégager un paysage historique d’ensemble».
«J’ai entrepris ce va-et-vient, sans cesse recommencé, entre ce qui est arrivé dans l’histoire algérienne et ma propre expérience, en éclairant sans cesse l’une par l’autre. Car l’irruption de l’expérience subjective, comme facteur de vérité et non plus comme vecteur d’illusion, fait partie de ma façon d’écrire l’Histoire», affirmait Benjamin Stora lors d’une journée consacrée à son travail, organisée au Mucem de Marseille en 2019.
«Discuter», «dialoguer»
Qu’en est-il du côté algérien? De la mission que lui a confiée le président Tebboune pour mener un travail de «vérité» sur les questions mémorielles entre les deux pays, Abdelmadjid Chikhi, directeur général du Centre national des archives algériennes, devra également rendre compte.
Pour ce faire, M. Chikhi devra selon toute vraisemblance attendre le retour du président Tebboune d’Allemagne où il s’est rendu pour des soins complémentaires pour lui remettre son rapport. Abdelmadjid Chikhi devra lui aussi contourner, voire balayer les tentations de surenchères politiciennes du passé colonial de l’Algérie.
Les deux experts qui ont travaillé chacun de son côté n’ont pas été désignés pour faire un travail commun, mais leurs travaux peuvent fournir des points de convergence sur lesquels s’appuiront les deux chefs d’Etat.
Les rapports à l’histoire coloniale et aux mémoires de la colonisation française de l’Algérie sont différents d’une rive à l’autre. Les deux historiens l’ont dit. «Il s’agit de voir comment amener les deux pays à gérer leurs mémoires. Si mon collègue, mon partenaire ou mon vis-à-vis, Benjamin Stora, a une vision qui est la vision française en matière des problèmes de mémoire, nous aussi nous avons la nôtre. Donc, il s’agit de confronter, de discuter», déclarait Abdelmadjid Chikhi à l’AFP.
Le conseiller du président de la République pour les Archives et la Mémoire nationales a souligné par ailleurs : «Nous avons subi 132 ans d’une colonisation qui a été atroce, très destructrice. La société algérienne a été désarticulée. Nous sommes en train d’essayer de la remettre sur pied, et les problèmes de mémoire se posent. Comment les gérer ? En ce qui nous concerne, nous faisons le travail. Il faut que le même travail soit fait de l’autre côté, et nous pourrons confronter nos idées et peut-être arriver à une vision qui ne soit pas trop contradictoire, ni une vision à sens unique, car le développement des deux pays a suivi des cours différents. Donc, nous voulons des rapports sereins dans le respect mutuel et également dans l’exploitation des problèmes de mémoire selon les circonstances de chaque pays.»
«Avancer vers une relative paix des mémoires»
«L’histoire de la décolonisation et de la colonisation fabrique du nationalisme des deux côtés, c’est-à-dire le nationalisme impérial, colonial, du côté français, pendant très longtemps, et naturellement le nationalisme de libération nationale de l’autre côté de la Méditerranée.
Ce sont des points de vue qui sont naturellement différents d’une rive à l’autre», déclarait Benjamin Stora dans une interview à RFI (23 juillet 2020). «Chaque pays, chaque groupe possède ses mémoires, fabrique une identité à partir d’une mémoire particulière (…). On ne peut jamais définitivement réconcilier des mémoires. Mais je crois qu’il faut avancer vers une relative paix des mémoires pour précisément affronter les défis de l’avenir, pour ne pas rester prisonniers tout le temps du passé, parce que l’Algérie et la France ont besoin l’une de l’autre…» (interview diffusée le 23 juillet).
«L’histoire en Algérie comme en France est une histoire à enjeux. On a effectivement, de part et d’autre de la Méditerranée, à essayer d’approcher au plus près possible une histoire qui soit celle des faits eux-mêmes et qui ne soit pas une histoire idéologisée en permanence, ou instrumentalisée en permanence», a souligné l’historien français dans la même interview.
Le 22 décembre sur les ondes de la Radio algérienne chaîne 1, Abdelmadjid Chikhi répétait «qu’il n’est pas possible de tourner la page du passé, car le dossier de la mémoire fait partie intégrante de l’histoire de l’Algérie et que le dialogue est la solution la plus adéquate pour calmer les esprits, surtout si des canaux appropriés sont utilisés pour faire aboutir les négociations».
En marge d’un hommage à la défunte Gisèle Halimi, il a rappelé les déclarations du chef de l’Etat, Abdelmadjid Tebboune, où il disait que «l’Algérie ne peut renoncer à son histoire, mais elle peut œuvrer avec l’autre partie à construire des relations équilibrées, ce qui est primordial dans les relations internationales. Néanmoins, l’histoire appartient au peuple algérien qui a le droit de savoir ce qui s’est passé».
Dans un entretien accordé au journal Le Monde, et à une question à propos de la mission que lui a confiée Emmanuel Macron, Benjamin Stora déclarait : «C’est un pas positif, une grande première. Cette mission s’inscrit dans un contexte global où la France et l’Algérie ont intérêt à se rapprocher, d’abord par rapport à la conjoncture politique internationale. Il y a ce qui se passe en Libye, l’immigration, l’islam en France, le terrorisme, le Sahel. L’Algérie est un partenaire essentiel pour la France, en réalité.
C’est une dimension du présent qu’il faut garder à l’esprit quand on traite de la relation avec l’Algérie.» (Le Monde du 29 juillet).
Ecrire et dire l’histoire est l’affaire des historiens. A partir d’archives et autres sources libres et accessibles. Leur travail est de rendre lisibles et intelligibles des faits, des événements. En toute indépendance et impartialité. Aux dirigeants des deux pays de s’en saisir pour un rapprochement mutuellement bénéfique.
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Rédaction Web
Liberté, 20 janvier 2021
Travail mémoriel sur la colonisation française et la guerre d’Algérie
Stora émet 22 recommandations dont le retour des harkis
Le rapport sur la colonisation et la guerre d’Algérie, remis ce mercredi 20 janvier par l’historien Benjamin au président français Emmanuel Macron, recommande la mise en place d’une commission « Mémoire et Vérité » chargée d’impulser des initiatives mémorielles communes entre la France et l’Algérie, selon le quotidien Le Monde, qui a révélé les 22 points sur lesquels cette commission est appelée à formuler des recommandations. Une commission que l’historien souhaite composée de « différentes personnalités engagées dans le dialogue franco-algérien », comme Fadila Khattabi, présidente du groupe d’amitié France-Algérie de l’Assemblée nationale, Karim Amellal, ambassadeur, délégué interministériel à la Méditerranée, des intellectuels, médecins, chercheurs, chefs d’entreprise, animateurs d’associations… selon la même source.
Au premier chapitre, le rapport Stora recommande de «poursuivre les commémorations, comme celle du 19 mars 1962 demandée par plusieurs associations d’anciens combattants à propos des accords d’Evian, premier pas vers la fin de la guerre d’Algérie ».
Il s’agit également d’autres « initiatives de commémorations importantes (qui) pourraient être organisées autour de la participation des Européens d’Algérie à la seconde guerre mondiale ; du 25 septembre, journée d’hommage aux harkis et autres membres de formations supplétives dans la guerre d’Algérie ; du 17 octobre 1961, à propos de la répression des travailleurs algériens en France». A tous ces moments de commémoration, suggère l’historien, pourraient « être invités les représentants des groupes de mémoires concernés par cette histoire».
Parallèlement, l’historien propose d’organiser le recueil par la commission « Mémoire et Vérité » de la parole des témoins « frappés douloureusement par cette guerre pour établir plus de vérités et parvenir à la réconciliation des mémoires ».
Sur d’autres chapitres, le rapport Stora propose de « construire une stèle à l’effigie de l’émir Abdelkader », la « reconnaissance par la France de l’assassinat de l’avocat Ali Boumendjel », un geste qui «ferait suite à la déclaration du président Emmanuel Macron concernant Maurice Audin en septembre 2018 », selon toujours Le Monde. A cela s’ajoute également la perspective d «œuvrer à la publication d’un ‘’guide des disparus’’ (algériens et européens) de la guerre d’Algérie, sur la base des recherches du ‘’groupe de travail’’ créé à la suite de la déclaration d’amitié signée lors de la visite du président François Hollande à Alger en 2012 ». Ce groupe avait été mis en place, rappelle le Monde, pour permettre la localisation des sépultures des disparus algériens et français de la guerre d’indépendance, et qu’il devra donc poursuivre son travail. Aussi, il s’agit de poursuivre le travail conjoint concernant « les lieux des essais nucléaires français en Algérie, réalisés entre 1960 et 1966, et leurs conséquences, ainsi que la pose des mines aux frontières », mais également « l’activité du comité mixte d’experts scientifiques algériens et français chargés d’étudier les restes humains de combattants algériens du XIXe siècle conservés au Muséum national d’histoire naturelle ».
Autre chapitre, cependant très sensible côté algérien, est celui des harkis. Le rapport Stora envisage ainsi de «voir avec les autorités algériennes la possibilité de faciliter les déplacements des harkis et de leurs enfants entre la France et l’Algérie», mettre en place « une commission mixte d’historiens français et algériens pour faire la lumière sur les enlèvements et assassinats d’Européens à Oran en juillet 1962 ; entendre la parole des témoins de cette tragédie », et «encourager la préservation des cimetières européens en Algérie (travaux, entretiens, réhabilitations des tombes), ainsi que des cimetières juifs (comme ceux de Constantine et de Tlemcen) ».
Toujours côté mémoire, et à l’instar de « la mesure instaurée par le président de la République visant à donner à des rues de communes françaises des noms de personnes issues de l’immigration et de l’outre-mer », le rapport envisage d’ «inscrire des noms de Français d’origine européenne particulièrement méritants, en particulier médecins, artistes, enseignants, issus de territoires antérieurement placés sous la souveraineté de la France », et « activer le groupe de travail conjoint sur les archives, constitué en 2013 à la suite de la visite du président Hollande en 2012 », et qui «devra faire le point sur l’inventaire des archives emmenées par la France et laissées par la France en Algérie ».
Côté coopération universitaire, et en attendant « le règlement de la domiciliation des archives », la France pourrait « donner chaque année à dix chercheurs, inscrits en thèse sur l’histoire de l’Algérie coloniale et la guerre d’indépendance dans un établissement universitaire algérien, la possibilité d’effectuer des recherches dans les fonds d’archive en France».
En parallèle, note le rapport, « des étudiants français, dans un nombre qui reste à discuter avec les autorités algériennes, devraient pouvoir bénéficier d’un visa à entrées multiples et d’un accès facilité aux archives algériennes concernant la même période».
L’historien recommande, dans le même sens, de «favoriser la diffusion des travaux des historiens par la création d’une collection ‘’franco-algérienne’’ dans une grande maison d’édition », créer « un fonds permettant la traduction du français vers l’arabe et de l’arabe vers le français d’œuvres littéraires et à caractère historique (ce fonds pourra également prendre en charge les écrits de langue berbère) », et «accorder dans les programmes scolaires plus de place à l’histoire de la France en Algérie.
« A côté d’une avancée récente – ne plus traiter de la guerre sans parler de la colonisation –, il convient de généraliser cet enseignement à l’ensemble des élèves (y compris dans les lycées professionnels) », souligne le rapport.
Par ailleurs, Stora suggère d’ «aller vers la mise en place d’un office franco-algérien de la jeunesse, chargé principalement d’impulser les œuvres de jeunes créateurs (œuvres d’animation, courts-métrages de fiction, création de plate-forme numérique pour le son et l’image) », réactiver « le projet de musée de l’histoire de la France et de l’Algérie, prévu à Montpellier et abandonné en 2014 », organise en 2021 « un colloque international dédié au refus de la guerre d’Algérie par certaines grandes personnalités comme François Mauriac, Raymond Aron, Jean-Paul Sartre, André Mandouze et Paul Ricœur », et une exposition ou un colloque sur les indépendances africaines au Musée national de l’histoire de l’immigration.
Enfin, le rapport prévoit « l’entrée au Panthéon de Gisèle Halimi, grande figure de l’opposition à la guerre d’Algérie », et la création d’ « une commission franco-algérienne d’historiens chargée d’établir l’historique du canon ‘’Baba Merzoug’’ » et de « formuler des propositions partagées quant à son avenir, respectueuses de la charge mémorielle qu’il porte des deux côtés de la Méditerranée ».
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Kamel Daoud – France-Algérie : que faire si on arrête la guerre ?
ANALYSE. L’écrivain a lu le rapport remis par l’historien Benjamin Stora à Emmanuel Macron sur la colonisation et la guerre d’Algérie.
Publié le 23/01/2021 à 15h00
« C’est un homme sans histoire », conclut, lors d’un aparté avec le chroniqueur, un célèbre académicien à propos de Macron. Comprendre : c’est un enfant des Indépendances, pas des colonisations. Et ce n’est pas plus mal. Voilà donc un président qui ne subit pas le poids de l’Histoire, ce qui à la fois le libère des précautions et des hésitations pour traiter la question de la colonisation, mais aussi du piège d’une position trop technicienne, presque sans empathie, face aux « communautés » que la guerre d’ Algérie a enfantées : pieds-noirs, immigrés, victimes, tortionnaires, vétérans, nationalistes ou déportés, harkis ou dépossédés.
On accuse Macron de traiter la « question » comme on le fait d’un capital-décès, de ne pas en partager les douleurs et les blessures. Le rapport Stora, dans ses préambules, insiste d’ailleurs sur les « ressentiments » et l’éthos des uns et des autres. Dans les deux cas cependant, Macron restera le président qui a le plus avancé sur ce dossier de la mémoire entre la France et l’Algérie. Celui qui a osé ou obligé à la réflexion concrète. Les raisons ? Peut-être qu’à force de penser selon les colonnes des bénéfices et des pertes, le président français a compris ce que des adversités ont saisi il y a des décennies : tant qu’on ne règle pas, à la lumière du jour et selon les poids assumés des responsabilités, par un récit de l’histoire et non des sentiments, la question « algérienne », d’autres en feront leurs fonds de commerce et leurs instruments de guerre à la république.Par exemple, les islamistes l’ont bien compris, autant que les communautaristes et les identitaires : tant que l’on consolide le lien, désormais artificiel, entre la confession et la mémoire de la colonisation, l’islam français ne sera pas français. Il sera ce qui rallie les mémoires des victimes, et ce qui offre leur pain aux victimaires et autres indigénistes virulents. Il a été le moyen de résistance à la colonisation ? On en fera un moyen de résistance à la francité qui refuse son passé. Dès lors, le seul moyen de faire de cette confession un patrimoine soumis à la loi de la république, c’est de le dissocier de son statut de propriété exclusive des victimaires et de raconter l’histoire réelle.
Avocats du diable
« Vous ne pouvez pas être français, car vous êtes musulmans et vous êtes musulmans parce que vous êtes victimes de la colonisation, et c’est l’islam qui vous a préservés de l’effacement. Voilà l’idée-force des avocats du diable. Régler la question de la mémoire, c’est donc couper ce lien, le dissoudre dans le texte de la loi et les bancs des institutions. Il en naîtra un islam de France et une histoire française mieux partagés. C’est douloureux, blessant pour l’orgueil, toujours insuffisant comme justice, mais vital.Par ailleurs, Macron semble avoir bien déchiffré que cette « question coloniale » sans réponses assumées a un effet domino sur le repli identitaire, le communautarisme, le séparatisme, le lobbyisme d’États tiers ou la guerre faite à la France par l’internationale islamiste. Erdogan l’illustre on ne peut mieux. À chaque charge de discours anti-français, il convoque la mémoire de la colonisation et l’islam. Il en fait sa routine haineuse. Il y a donc urgence à « décoloniser » l’islam, guérir le souvenir des Français d’origines maghrébines et assumer.
Une thérapie française avant de prétendre être une thérapie de couple
Mais en se préservant des pentes faciles des repentances démagogiques qui ne peuvent que provoquer les effets contraires et nourrir les extrémismes identitaires qui proposeront d’y résister par le repli sur la généalogie, le royaume d’avant, les populismes ravageurs. Le pays ne gagne rien ni avec le déni face à la France ni avec le déni au nom de la France. Des citoyens nés après les indépendances rejouent aux colonisés et d’autres nés après la colonisation sont accusés de son crime. Des jeux de rôles trop faciles.
Du coup, le rapport de Stora remis cette semaine à l’Élysée a au moins un double avantage : mettre des mots sur ce qui est possible, identifier ce qui fait mal et participer à la thérapie. Car ce rapport est une thérapie française avant de prétendre être une thérapie de couple. Il permettra à la France d’avancer. En effet, si des Français ne comprennent pas l’exigence algérienne et si des Algériens ne s’expliquent pas le refus de responsabilités chez des Français, c’est parce qu’une partie de l’Histoire n’a pas été racontée autrement que par des hurlements et des silences. Un trop-plein de mémoires « communautarisées » en France, face à un trop-plein d’histoire officielle des apparatchiks en Algérie.
L’intellectuel du Sud est « congelé »
« Mais qu’en-est-il du côté algérien ? » interrogèrent, de suite, les médias anglo-saxons si curieux des colonisations quand elles sont commises par d’autres. Le chroniqueur a eu du mal à expliquer sa réponse : « Rien, sinon peu de chose », répond-il depuis quelques jours. L’intellectuel du « sud » est « congelé » (c’est une expression du rapport Stora) dans la posture de la victime, du décolonisé perpétuel, par les amateurs du postcolonial en Occident et par les rentiers dans son propre pays. On tâte sa réaction comme on le fait d’un grand malade. Et s’il répond qu’il plaide pour le présent et qu’il est aussi un enfant des indépendances et pas des colonisations, c’est d’un côté la surprise en Occident qui adore l’étiquetage scientifique, et le scandale dans le pays décolonisé qui adore identifier des traîtres.
La vérité est que le rapport Stora ne fera pas bouger les lignes en Algérie, mais il permettra, brièvement, de mettre les rentiers de la décolonisation en face de leur réalité. Celles d’élites et de communautés qui ne veulent pas sortir du mythe trop parfait de leur guerre de Libération, et qui trouvent dans la position de la victime de quoi manger et s’habiller en costume de héros permanent. Il faut alors expliquer (et c’est laborieux) que les « excuses » de la France sont parfois plus utiles quand on les demande, que lorsqu’on les obtient. Et que mettre fin à la guerre des mémoires par le recours à l’histoire, ou, à l’extrême, clore le dossier par un acte de repentance ou de reconnaissance, obligera en Algérie à endosser le présent, qui est l’ennemi universel des vétérans.
Lucidité
Les fameuses « excuses » sont une exigence morale pour beaucoup d’Algériens. Leur préalable cependant fausse le récit de l’histoire et occulte le véritable récit du passé et du présent. Elles peuvent se justifier, mais c’est un préalable de mauvaise foi, sinon stérile aujourd’hui. Pour surmonter le déni des uns et la ruse politique des autres, il faut un travail d’historiens, de récit, de mots à trouver et de sortie de la mythologie d’entretien, un deuil des narcissismes collectifs. Ce qui en Algérie n’est pas encore le cas, ni en France. L’acte de lucidité sur soi et les autres menace tant de royaumes de vétérans.
Ce n’est pas pour rien que la haine de la France perçue comme puissance coloniale éternelle, est encore plus forte chez les plus jeunes.
On comprend qu’en Algérie les décolonisateurs en chefs entretiennent cette mémoire faussée et les islamistes on fait l’épopée d’une guerre sainte pour recruter les plus jeunes. Les contraindre à la paix ou au dépassement, c’est les obliger au pire sort, celui de chômeurs idéologiques. Et ce n’est pas pour rien que la haine de la France, perçue comme puissance coloniale éternelle, est encore plus forte chez les plus jeunes. Ils n’ont rien d’autre à vivre que le passé et la Stora Story les appauvrit encore plus.
Étrangement, régler la question de la mémoire entre l’Algérie et la France est une question de primauté de la République sur le repli en France, et une question de démocratie en Algérie. Pour le premier pays, c’est une urgence pour parer aux menaces des dislocations et pour construire une identité riche. Pour le second, la mémoire ne sera transformée en histoire que lorsque la génération des décolonisateurs acceptera la pluralité, la démocratie, la transition et la vérité sur le passé, c’est-à-dire la fin du mythe. « La réalité est toujours anachronique », écrivait Borgès. Elle l’est encore plus dans les pays nés de la décolonisation.
www.lepoint-fr. le 23.01.2021
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El Watan 23 JANVIER 2021
Par A.Z.
Mémoires algéro-françaises
Abdelaziz Rahabi : «Le rapport Stora ne prend pas en compte la principale demande historique des Algériens»
Dans un post publié aujourd’hui sur son compte twitter, l’ancien ministre de la Communication et de la Culture Abdelaziz Rahabi soutient que « le rapport Stora ne prend pas en compte la principale demande historique des Algériens, la reconnaissance par la France des crimes commis par la colonisation ».
L’ancien diplomate rappelle qu’« il ne s’agit ni de repentance, notion étrangère aux relations entre États ni de fonder une mémoire commune, les deux pays étant héritiers de deux mémoires antagoniques sur cette question ».
Pour les reste, précise-t-il, « chacun doit assumer son passé et les deux Etats sont tenus de mettre en place les conditions d’une relation apaisée et tournée vers l’avenir ».
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L’historien Benjamin Stora a remis, mercredi dernier, au président français, Emmanuel Macron, son rapport « sur les questions mémorielles portant sur la colonisation et la guerre d’Algérie ». Ce rapport a pour but, a-t-il dit, de «décloisonner» des mémoires divergentes et douloureuses entre les deux pays, aux relations aussi étroites que complexes.
Au lendemain de la publication du rapport, aucune réaction officielle n’a été enregistrée côté algérien. Seuls des titres de presse se sont emparés du sujet, dont certains ont exprimé leur déception face au refus de Paris d’aller dans le sens des excuses.
Pour eux, « le président Macron n’a pas tenu ses promesses [en refusant les excuses] qu’il avait tenues à Alger lors de sa visite en tant que candidat ». Allusion faite à la déclaration, en 2017, d’Emmanuel Macron, alors candidat en visite à Alger, qualifiant la colonisation de « crime contre l’humanité ».
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FRANCE CULTURE _
LE TEMPS DU DÉBAT par RAPHAËL BOURGOIS _ 23 janvier 2021
France / Algérie ou la difficile réconciliation des mémoires de la colonisation et de la guerre d’Algérie
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