Le succès de deux jeunes artistes Ghanéens

Publié le 23 janvier 2021 par Aicasc @aica_sc

Plusieurs articles du blog ont déjà évoqué l’entrée des artistes africains sur le marché international de l’art. Deux jeunes artistes, Amoako Boafo,  (36 ans) et Otis Kwame Kye Quaicoe ( 30 ans), tous deux originaires du Ghana,  connaissent aujourd’hui un succès fulgurant.

https://aica-sc.net/2020/01/04/artistes-contemporains-africains/

https://aica-sc.net/2017/07/07/le-top-de-lart-africain/

https://aica-sc.net/2020/01/04/artistes-contemporains-africains/

Amoako BOAFO

©Source Artprice

Acheté par les grands collectionneurs et les stars américaines, courtisé par le monde de la mode et adoubé par les musées, le ghanéen Amoako Boafo, 36 ans, est l’un des artistes les plus désirables du moment. Le tout en quelques mois et en pleine pandémie.

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Amoako BOAFO (1984) connaît une ascension fulgurante depuis sa première apparition sur la foire Art Basel de Miami en décembre 2019. Bien qu’il soit alors inconnu, la galeriste Mariane Ibrahim prend le risque de lui offrir une exposition personnelle sur le stand de cette foire qui compte parmi les plus importantes au monde. Le risque est cependant calculé car à quelques encablures de là, Amoako Boafo brille au centre d’art de Don et Mera Rubell, un couple de collectionneurs influents ayant accueilli l’artiste en résidence et acheté plusieurs de ses œuvres. Pendant Art Basel, ses portraits colorés célébrant l’identité noire s’arrachent autour de 50.000$. Un an plus tard, la valeur de ces œuvres est multipliée par 10. Décryptage d’une trajectoire sur laquelle la crise n’a pas eu de prise.

Amoako Boafo, The Lemon Bathing Suit (détail), 2019

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Millionnaire aux enchères en moins d’un an

Boafo a commencé à faire couler beaucoup d’encre en février 2020, après la vente de sa toile The Lemon Bathing Suit (Le Maillot de bain jaune) pour 881.500$ chez Phillips. Un prix exorbitant pour un premier passage en salle de ventes et pour une œuvre initialement estimée entre 40.000$ et 65.000$. D’autant que cette peinture avait été achetée pour un peu moins de 25.000$ l’été précédent par Stefan Simchowitz, auprès de la galerie Jeffrey Deitch, chez qui elle avait été consignée par la galerie Roberts Projects. Une prise de valeur de près de 680.000$ en moins an pour une toile de 2019 a laissé perplexe l’artiste lui-même…

Cette revente rapide – pour un immense profit – a mis dans l’embarras le galeriste Jeffrey Deitch qui ne s’attendait pas à ce coup de couteau dans le dos, ayant vendu l’oeuvre en pensant qu’elle rejoindrait une importante collection privée d’art africain contemporain, et qu’elle y resterait. Situation tout aussi embarrassante pour Amoako Boafo, déplorant que son travail soit détourné à des fins spéculatives. Les artistes n’ont pas de contrôle sur le marché secondaire et Boafo n’a tiré aucun profit direct de la revente de sa toile. Il s’est inquiété au contraire que son travail soit utilisé de la sorte, aspirant plus à la longévité qu’à l’argent immédiat, et exprimant son souhait d’intégrer des musées plutôt que d’être le jouet de spéculateurs.

Amokao Bofao

Un tel coup de marteau aurait pu avoir l’éclat d’un feu de paille, mais il n’en fut rien. D’une part, l’artiste est bien soutenu. Par sa galeriste comme par des personnalités riches et influentes, de Naomi Campbell à Kehinde Wiley, incontournable depuis sa réalisation du portrait officiel de Barack Obama et nouveau prescripteur dans le monde de l’art. Surtout, l’art de Boafo est arrivé sur le devant de la scène à un moment clé, celui de l’émergence du mouvement Black Lives Matter, alors que les artistes africains ou d’ascendance africaine avaient déjà le vent en poupe. Rappelons en effet que les contrats entre des galeries puissantes et des artistes travaillant sur l’identité africaine se sont multipliés ces dernières années : David Zwirner travaille avec Kerry James Marshall depuis 2013, avec Njideka Akunyili Crosby depuis 2018 et avec Noah Davis depuis l’année dernière. Hauser & Wirth signait il y a quelques mois avec Amy Sherald, Lorna Simpson, Mark Bradford, Henry Taylor et Simone Leigh, lorsque Gagosian lui-même intégrait Nathaniel Mary Quinn à ses artistes phares.

Amokao Bofao

L’art de Boafo est non seulement arrivé à un moment où le marché était très en demande de ce type de travail, mais aussi dans un contexte social et politique particulièrement fort pour les artistes africains. Les institutions culturelles l’ont compris et se sont empressées d’acquérir des œuvres avant que les prix ne grimpent encore plus. Il en va ainsi du musée Guggenheim de New York, du Lacma de Los Angeles et du musée Albertina de Vienne qui ont tous acheté des œuvres au cours des derniers mois.

Amoako Boafo : Répartition géographique du chiffre d’affaires en 2020 (copyright Artprice.com).

Nouveau aux enchères, l’artiste est déjà très demandé

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En plus des musées, Boafo a conquis le monde du luxe et de la mode. Le créateur britannique Kim Jones lui rendait un hommage direct dans la dernière collection Dior homme en juillet, peu avant l’ouverture de son exposition chez la galeriste Mariane Ibrahim (Chicago, Illinois). Ses œuvres se sont alors arrachées entre 160 000 et 185 000 dollars. En parallèle, une dizaine de toiles ont été vendues aux enchères à Londres, New York et Hong Kong jusqu’en décembre. En dépassant le million de dollars le 2 décembre à Hong Kong, la peinture Baba Diop (1,14m$) a propulsé Boafo comme l’un des trentenaires le plus coté du moment.

Otis Kwame Kye Quaicoe, l’un des nouveaux métérores

Otis Kwame Kyei QUAICOE

Amoako Boafo n’est pas un cas isolé. Son succès phénoménal ouvre la voie à d’autres artistes, parmi lesquels Otis Kwame Kyei QUAICOE (1990). A tout juste 30 ans, ce surdoué de la peinture a plusieurs points communs avec Boafo. Originaire lui aussi du Ghana, il excelle dans l’art du portrait et collabore avec la galerie Robert Projects, connue pour détecter les nouveaux talents en début de carrière. Roberts Projects a accueilli la première exposition personnelle de Quaicoe (Black Like Me) sur le sol américain au début de l’année 2020. Une exposition décrite par Terence Trouillot pour Artforum comme “un ensemble de peintures qui, bien que manifestement redevables au travail coloré et virtuose de Barkley L. HENDRICKS (1945-2017) et Kerry James MARSHALL (1955) présentent une perspective idiosyncratique sur la culture africaine à travers la célèbre forme de portrait noir”. Ce style familier et efficace séduit immédiatement et ses œuvres intègrent d’importantes collections privées avant d’être introduites aux enchères début juillet par la société Phillips. Comme pour Boafo, les prix flambent immédiatement en salle : la toile Shade of Black estimée 20 000$, finit sa course à 250 000 $, malgré le contexte tendu de la crise sanitaire. Les six toiles suivantes présentées aux enchères se vendent toutes au-dessus de leurs estimations hautes, y compris lors d’une importante vente d’art contemporain de Sotheby’s Hong Kong. C’est aussi l’un des bénéfices de la crise sanitaire, la digitalisation accélérée du marché de l’art a eu pour effet d’abolir un peu plus les frontières.