Transformer à Jamais/Détruire à Jamais

Publié le 23 janvier 2021 par Hunterjones

L'une des plus importantes inventions des plus-de-cent dernières années dans le monde de la musique populaire aura été la transformation du studio comme simple passage-relais au microsillon à lieu de création musicale. En d'autre terme, la réalisation que d'enregistrer de la musique pouvait aspirer à faire plus que capturer les sons, reproduire les chansons, mais pouvait aussi élargir les possibilités musicales elles-mêmes. 

Phil Spector, le brillant mais destructeur producteur musical, décédé de la Covid en prison dimanche dernier avait 81 ans. Il n'était certes pas le premier à explorer les possibilités musicales. Les Paul le faisait quand Spector était encore à la petite école primaire. Mais une fois, adolescent, Spector allait révolutionner l'univers musical de son mur-de-son. Il était sans contredit un créateur marquant du rock'n roll. Un monstre. Un vrai monstre. 


Du point de vue musical, il a été un titan. Il a défini le son musical des années 60 auprès d'artistes comme The Ronettes, The Crystals, Darlene Love, The Righteous Brothers, Ike & Tina Turner. Jusqu'au milieu des années 60, Spector créait de la magie au Studio Gold de Los Angeles, créant des sons impossibles entre 1962 et 1966 comme personne n'arrivait à le faire mieux que lui. Dès 1963, avec The Crystals, The Ronettes et Darlene Love, il dominait les ondes avec une musique qu'on découvrait soudainement si riche. C'était Dorothée dans The Wizard of Oz ouvrant une porte monochrome sur un monde soudainement en couleurs. 

 Mais qui cacherait aussi de l'ombre...


Bien avant sa condamnation à vie pour l'assassinat de l'ancienne actrice Lana Clarkson, en 2003, Spector était un homme dangereux, troublé, contradictoire, impossible. C'est à Leonard Cohen, en studio, qu'il avait lancé une flèche, au sens propre, d'une arbalète, ratant sa tête de très peu. Il était une figure importante de son domaine sans aucun doute, mais jamais aussi importante qu'il le pensait de lui-même déjà. La vérité étant qu'il était abusif, violent, misogyne, enregistrant principalement des Femmes. Il était vénéré dans le monde musical, dans les années 60. Même si il avait été immense seulement....quoi? 5 ans? Dès 1966, il choisissait de se retirer, amer de la réception fade qu'on avait réservé à River Deep-Mountain High qu'il avait emballé en sons pour Ike & Tina Turner. Il considérait que c'était son chef d'oeuvre, son graal livré pour vous. Quelques années plus tard, les Beatles (qui le regretteraient au final) l'engageait pour qu'il produise Let It Be. Il allait aussi produire les premiers albums solos de John Lennon et George Harrison quand ceux-ci ont voulu se faire une cure de jouvence de la part du gars qui les avait fait tripper sur Be Mt Baby*.
Spector était tyrannique et control freak. Dans ls studio et hors du studio. Il était sujet à des crises de rages en vieillissant. Et devenait de plus en plus fanatique et collectionneurs d'armes de toute sorte. Il en était obsédé. Il y avait quelque chose de brisé en lui. Et probablement depuis longtemps. Quand il avait 8 ans, son père à lui s'est suicidé. 10 ans plus tard, adolescent, Spector obtenait son tout premier #1 avec la chanson To Know Him is to Love Him. Cette phrase était aussi l'épitaphe sur la tombe de son père. Ça prend à la fois un certain génie et un esprit lourdement troublé pour avoir un air de musique qui nous naisse en pleurant (ou pas) son père. Les aspirations musicales de Spector paraîtront toujours, particulièrement après l'assassinat de Clarkson, comme des points de fuite de quelque chose de beaucoup plus sombre.  
Spector est mort à 81 ans, incarcéré pour meurtre. Sa capacité à être un monstre fera parti de sa légende. Tout comme on pourra dire dans le même souffle que les Beatles et Brian Wilson des Beach Boys l'auront aussi considéré comme un Dieu pendant un certain temps. 

Une de ses chansons porte un titre qui correspond très bien au moment où Spector a perdu la boule pour vrai. 

You've Lost That Lovin' Feeling

1962-2003

Ça lui était peut-être arrivé dès 1947. Au suicide paternel. 

Il aura quand même fait passer la musique de "quelque chose pour les adolescents" à un vrai partage aux adultes.

Capables d'honteuses adulteries...

D'impardonnables adulteries. 

*Spector sera assez pute pour être accessoire dans la condamnation pour plagiat de George Harrison, avec My Sweet Lord et cette chanson.