Après plusieurs articles sur la monnaie de la Banque centrale, les monnaies locales et l'étalon-or, il m'a semblé utile de préciser brièvement en quoi le dollar favorise les États-Unis dans le concert économique des nations, d'autant que la Commission européenne souhaite ardemment imposer l'euro comme monnaie internationale et de réserve.
Les déficits jumeaux
Tout d'abord, les États-Unis ont un déficit commercial global chronique, qui avait conduit Donald Trump à déclarer la guerre commerciale à la Chine :
[ Source : Natixis ]
Trump s'était persuadé que le problème était entièrement de la faute des Chinois oubliant au passage que la compétitivité des entreprises américaines était peut-être une part importante du problème. Certes le gouvernement chinois n'est pas exempt de critiques sur la manipulation de sa monnaie, l'espionnage industriel et les cyberattaques, mais déclarer ouvertement la guerre commerciale à un partenaire commercial majeur comme la Chine n'était certainement pas une bonne idée, surtout lorsque la production locale américaine n’est plus en mesure de se substituer aux importations...
Et même en intégrant les services, revenus et les transferts pour obtenir la balance courante, qui montre la capacité d’un pays à financer ses activités économiques, le déficit extérieur demeure chronique :
[ Source : Natixis ]
De plus, les États-Unis font face à un déficit public lui aussi structurel :
[ Source : https://www.cbo.gov ]
C'est la conjonction de ce déficit public et du déficit extérieur que l'on appelle les déficits jumeaux. Et au vu des montants en jeu, aucun pays n'aurait pu continuer ainsi à s'endetter pour financer ces déficits s'il ne disposait d'un outil transcendant : le dollar !
Le dollar comme monnaie internationale
Malgré l'estocade portée par Richard Nixon au système monétaire international issu de Bretton Woods en 1971, le dollar a conservé sa place dominante dans les opérations commerciales et financières mondiales :
[ Source : IFRI ]
Et même si la part des réserves de change en devises libellées en dollar est en baisse depuis les années 1970, où elle atteignait 80 %, le dollar demeure qu'on le veuille ou non la principale monnaie de réserve :
Vous trouverez plus d'infographie sur StatistaLe privilège exorbitant du dollar
Alors ministre de l'Économie et des Finances, Valéry Giscard d'Estaing déplorait en 1964 le "pouvoir exorbitant du dollar", qui permettait - et permet toujours ! - aux États-Unis de s'endetter à des niveaux stratosphériques sans risquer (jusque-là) de crise. Le général de Gaulle ne disait pas autre chose en 1965, même si l'idée de revenir à une forme d'étalon-or n'était pas une bonne idée comme je l'ai expliqué dans ce billet :
Barry Eichengreen, professeur d'économie et de science politique à l'université Berkeley, a repris cette question dans un livre passionnant intitulé Un privilège exorbitant. Il y explique outre ce que je viens de rappeler plus haut, que le dollar permet in fine aux ménages américains de vivre structurellement au-dessus de leurs moyens, parce que les investisseurs du monde entier sont friands de titres de dettes libellés en dollars !
En particulier, les États-Unis fournissent au reste du Monde une dette sans risque, sous forme de Treasury Bond (bons du Trésor) :
[ Source : Natixis ]
En définitive, d’aucuns affirment qu'au vu des conditions actuelles, le dollar devrait perdre son statut de monnaie de réserve internationale conformément au célèbre dilemme de Triffin : les États-Unis abusent de ce rôle du dollar pour s'endetter excessivement avec très peu d'épargne, ce qui dégrade à terme la qualité de la monnaie et conduit à la perte de son hégémonie.
Pour ma part, je n'y crois pas, d'autant que je ne vois pas très bien quelle monnaie pourrait tenir ce rôle. Il n'est certes pas interdit de rêver que l'euro puisse un jour subvertir la domination du dollar. Mais encore faudrait-il pour cela qu'il existe une dette publique unique pour l'ensemble de la zone euro, ce qui est loin d'être pour demain si l'on en juge par les innombrables retards à l'allumage du seul plan d'aide européen de 750 milliards d'euros. En attendant, les États-Unis demeureront la première puissance économique mondiale !