Ma femme est un buisson vivant de moire
la mer un grand drapeau tombé
le feu est le rêve de l’arbre
le vent un grand drapeau décoloré
mais la guerre n’est pas la paix.
Il ne suffit pas de parler à l’envers
d’être langouste à longue langue
pour que nous rêvions.
Il ne suffit pas de parler du beau temps
en ouvrant un parapluie
ni d’ouvrir un parapluie
pendant que nous préparons le printemps.
Il ne suffit pas de graisser au beurre les canons
de mettre aux armes des faveurs d’oliviers.
Un mensonge nous réveille
nous ne rêvons que vérité
le petit bout de votre oreille
fait du bruit à réveiller
les morts que nous avons dans la mémoire
et notre rêve ne dort pas
et notre mémoire ne dort pas
nous sommes debout dans nos leçons
et debout dans notre rêve.
Il faudrait nous couper la tête
pour que nous portions vos casques vos erreurs
il faudrait nous arracher le cœur.
Il ne suffit pas d’un masque
pour nous faire peur ou nous faire rire
nous rions à respirer.
Il ne suffit pas de faire du bruit avec des machines
de frapper sur la table où nous écrivons
pour que nous écrivions merci
Il ne suffit pas de lyncher des innocents
de déposer plainte contre la pensée
de traquer ce qui est rouge s’il n’est pas cardinalice.
Il ne suffit pas de nous fermer la porte
pour que nous disions quelle belle maison
ni de nous fermer les yeux.
Mais il suffit d’une flèche du soleil
pour renverser la nuit
il nous suffit d’être ensemble.
***
Christian Dotremont (1922-1979) – Oeuvres poétiques complètes (Mercure de France, 2004)