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bhaktānāṃ bhavadadvaitasiddhyai kā nopapattayaḥ |
tadasiddhyai nikṛṣṭānāṃ kāni nāvaraṇāni vā || 15 ||
"Pour les amoureux,tout sert à réaliserla non-dualité avec toi.Pour les médiocres,tout fait obstacle à cette réalisation."Utpaladeva, Hymnes à Shiva, I, 15Selon Kshemarâja, pour les amoureux qui ont été décrits dans le premier verset comme étant ceux qui se laissent posséder par toi, qui s'abandonnent à toi, tout devient "moyen" (yukti) pour accomplir (sâdhana) l'unité (advaya) avec toi, avec la conscience universelle. Pourquoi ? Parce qu'ils ont réalisé que rien n'existe en dehors de la conscience. Ils réalisent (siddhi) que tout se réalise (siddhi) parce que la conscience réalise (siddhi) tout. Ainsi, tout est facile (sukha) sur cette voie nouvelle (nava) de la Reconnaissance. L'amour est le moyen sans moyen, le moyen aisé, car il transmute tout, de même que dans les amours de ce monde, l'amour transmute jusqu'aux défauts de l'aimé. Mais ici, c'est l'unité du point de départ, du moyen et du but, qui explique cette facilité. Tout est la conscience universelle. Il suffit d'avoir foi (shraddhâ), c'est-à-dire de remettre (dhâ) son cœur (shrad, hard, hrid... cf heart), de s'orienter de tout son être vers la source universelle, le premier instant de n'importe quel mouvement.En revanche, pour les médiocres, les maladroits, les "tièdes" pourrait-on dire, tout est séparation. Et donc, tout est voile, obstacle. Pour eux, même la pratique spirituelle devient un obstacle. Le Mantra, la visualisation, tel rituel, le maître, les miracles, tout devient problème, tout se complique. L'évidence spirituelle elle-même devient un obstacle ! Ils disent "oui, mais je ne sens rien", "oui, mais c'est intellectuel", "oui, mais il y a encore ceci et cela qui ne vont pas", "oui, mais cela me quitte", "oui, mais je ne suis pas parfait", et ils laissent tomber la pierre philosophale, repartant de plus belle à la recherche de vaines verroteries. C'est la conscience divine qui joue à s'égarer ainsi. Même si on les instruit des "pratiques" les plus puissantes, ces âmes en mal de grâce n'y entendent rien. Leur intérieur est comme une pierre bouillante sur laquelle les flocons de l'enseignement s'évaporent instantanément. Et l'amour les ennuie. Même si Dieu les envahit quelque peu, ils prennent cela pour un malheur. Ou plutôt, ils prennent leurs malheurs pour des malédictions. L'amoureux, au contraire, aime tout, car tout est divin. S'il ou elle doit faire violence, se battre ou élever la voix, il ou elle s'y donne de tout cœur, si tel est le mouvement de la grâce en tel moment précis. Si la divine motion m'inspire des larmes, une chute apparente dans la dualité ou bien des idées sombres, si mon corps et mon esprit échappent à mon contrôle, c'est aussi la grâce, qui me travaille ainsi pour que je me rende à elle, et à elle seule. L'Un n'est-il pas jaloux d'une absolue jalousie ? L'absolu se montre tolérant au début. Mais bientôt, il faut tout lâcher, jusqu'aux plus hautes réalisations et jusqu'aux plus belles intuitions. L'Un et rien d'autre.