Depuis longtemps, les cartes à puce sont conçues pour supporter plusieurs applications côte à côte. Hélas, les établissements qui en exploitent les capacités, fort jaloux de leurs prérogatives, n'ont jamais accepté la cohabitation. Jusqu'à cette initiative du fabricant Infineon, qui combine badge d'accès et paiement sur un support unique.
Bien sûr, il existe d'innombrables entreprises fournissant à leurs employés une carte qui fait à la fois office de sésame sécurisé afin d'entrer dans les locaux et de porte-monnaie avec lequel ils règlent leurs repas à la cantine ou leur café aux distributeurs automatiques. Cependant, il s'agit là de services en boucle fermée. L'originalité de la carte Campeon (du nom du campus où elle est déployée) est en effet d'embarquer un instrument de paiement standard, utilisable dans tous les commerces du réseau Mastercard.
En l'occurrence, c'est un compte prépayé qui lui est attaché. Les collaborateurs d'Infineon disposent d'une application afin de l'approvisionner, à leur convenance, évitant de la sorte les queues aux habituels terminaux de rechargement propriétaires. Par ailleurs, l'ensemble des cafétérias et distributeurs installés sur le site se sont convertis au nouveau mode d'encaissement, ce qui autorise donc désormais leur utilisation transparente par les visiteurs, équipés seulement de leur propre carte bancaire.
À ce stade, la solution, développée en collaboration avec Mastercard, PayCenter (pour la gestion du porte-monnaie virtuel) et petaFuel (pour l'intégration technique des fonctions de paiement), se présente essentiellement comme un démonstrateur de l'expertise d'Infineon. Elle est prête à être déclinée dans d'autres organisations, avec des services identiques (pour l'anecdote, l'envoi de la carte de visite électronique du porteur fait partie du lot) ou enrichis (les titres de transport constituant une option envisageable).
Alors que le nombre de cartes à puce a explosé au fond de nos poches et portefeuilles, pour divers usages, la concrétisation d'une version multifonctions pourrait être bienvenue… si elle n'arrivait pas avec 30 ans de retard… Car, aujourd'hui, en particulier avec l'avènement des transactions sans contact, le smartphone semble plus approprié pour devenir le support universel des outils de paiement, d'identification, de sécurité…, ne serait-ce que par la facilité d'enregistrement d'un fournisseur additionnel.
Ce qui aurait pu devenir le point de départ d'une révolution encore au début de ce siècle ne restera finalement qu'une application de niche pour un objet en fin de vie, voué à la virtualisation. En poussant le raisonnement, on l'aurait facilement imaginé, par exemple, en pièce d'identité capable d'agréger une multitude de services différents, sur laquelle aurait pu s'appuyer la téléphonie mobile alors émergente. La révolution a bien lieu, mais sur un autre support, qui contribuera justement à la disparition de la carte en plastique.