Après quatre années de pouvoir et les dernières semaines de mandat proches d’une espèce de folie, Donald Trump cède enfin la place à Joe Biden, 46ème président des Etats-Unis.
Considéré comme appartenant à l'aile modérée du Parti démocrate, ses positions sont considérées comme centristes et pragmatiques mais la politique qu’il mettra en œuvre apportera-t-elle un réel changement ou se limitera-t-elle à une variation sur un thème connu ?
Joe Biden ne veut pas perdre de temps pour faire oublier le mandat de Donald Trump. Le président élu va signer toute une série de décrets qui évitera au nouveau chef de l’Etat d’en passer par le Congrès et en particulier le Sénat, qui pourra ainsi se consacrer entièrement à la procédure de destitution de Donald Trump.
Son chef de cabinet, Ron Klain, n’a pas détaillé tous les décrets mais a indiqué qu’ils concernaient quatre priorités, à savoir la lutte contre le coronavirus, celle contre le changement climatique, la relance de l’économie et le combat pour la justice sociale et raciale.
Concernant le coronavirus, le 46e président des Etats-Unis prendra un décret rendant obligatoire le port du masque dans les locaux et espaces dépendant de l’Etat fédéral, ainsi que lors des déplacements entre Etats, ce que Donald Trump s’était toujours refusé à faire. Sur le plan économique, il prévoit aussi de prolonger le moratoire sur les expulsions et les saisies immobilières, lié à la pandémie.
Joe Biden, l’ONU et l’OTAN
Dans le numéro d’avril du magazine Foreign Affairs, Joe Biden s’exprimait ainsi : « Pourquoi l’Amérique doit à nouveau diriger le monde. Sauver la politique étrangère américaine après Trump. L’épisode Trump est un accident de l’Histoire. Nous devons au plus vite reprendre le chemin entamé par Barack Obama. »
Il précisait encore sa pensée : « Le système international que les États-Unis ont si soigneusement construit est en train de s’effondrer. Soit quelqu’un d’autre prendra la place des États-Unis, mais pas de manière à servir nos intérêts et nos valeurs, soit personne ne le fera et ce sera le chaos ».
Joe Biden préconise de poursuivre la vision étasunienne traditionnelle d’un ordre international figé, dirigé par les États-Unis dans un monde où les rapports de force entre les grandes puissances sur le plan économique et stratégique sont en constante évolution.
Il veut rétablir la confiance de l’Europe envers les États-Unis en restaurant les liens avec l’OTAN (l’alliance militaire entre les États-Unis et l’Europe) : « L’engagement des États-Unis envers l’OTAN est sacro-saint et n’est pas un accord commercial. L’OTAN est au cœur de notre sécurité nationale. Ce qui la rend beaucoup plus durable, fiable et puissante que les partenariats construits par la contrainte ou l’argent. »
Il veut redevenir un partenaire loyal de ses alliés européens. Il promet de réintégrer l’accord sur le nucléaire iranien (le traité par lequel l’Iran s’est engagé à ne pas poursuivre l’armement nucléaire, et dont Trump s’est retiré). Mais il veut aussi revenir à ce traité pour renforcer l’alliance occidentale placée sous la houlette des États-Unis. En 2015, il soutenait que la participation à cet accord permettait aux États-Unis de s’affranchir des règles de l’ONU : « Si l’Iran viole le traité, nous pourrons imposer nos sanctions et personne à l’ONU ne pourra nous en empêcher. Ni la Russie ni la Chine. »
Joe Biden et l’industrie de l’armement
Joe Biden a promis à l’industrie de l’armement qu’il poursuivrait les investissements dans la plus grande machine de guerre de l’histoire de l’humanité. Sous les présidents Clinton, Bush fils et Obama, le budget officiel de la Défense est passé de 266 milliards de dollars en 1996 à 637 milliards en 2016. Sous Donald Trump, cette augmentation s’est encore accélérée pour atteindre 693 milliards.
Joe Biden n’a pas l’intention d’inverser cette tendance. Il a récemment déclaré : « Les États-Unis ont l’armée la plus puissante du monde et, en tant que président, je veillerai à ce que cela reste comme ça, en faisant les investissements nécessaires pour équiper nos troupes face aux défis de ce siècle ».
Les fabricants d’armes ont investi 2,4 millions de dollars dans la campagne électorale de Joe Biden. L’un de ses principaux sponsors est Palmora Partners, un gestionnaire d’actifs qui possède plus de 260 000 actions de Raytheon, un important fabricant d’armes et l’un des plus grands fournisseurs de l’Arabie Saoudite.
Cette loyauté vis-à-vis du secteur de l’armement se manifeste également dans la nomination de son cabinet. Il a déjà nommé deux membres du conseil d’administration de Raytheon qui ont rejoint un petit groupe de conseillers chargés d’informer Joe Biden et la vice-présidente Kamala Harris sur les questions de sécurité nationale. Les autres personnes que Joe Biden a recrutées à la sécurité nationale travaillaient toutes pour des multinationales actives dans l’industrie de la guerre ou leurs groupes de réflexion auparavant.
Joe Biden et l’environnement
Si le président des Etats-Unis a promis de réengager les Etats-Unis dans l’accord de Paris sur le climat, ce n’est que relatif car cet accord, présenté comme un succès, sape en réalité les droits des communautés les plus vulnérables de la planète et ne comprend à peu près rien de contraignant qui garantisse un climat sain et vivable pour les générations futures.
Il y a des années déjà, les États-Unis avaient fait du Protocole de Kyoto un accord inefficace. L’histoire se répète malheureusement puisque les États-Unis initialement, avec le soutien de l’UE et des autres pays riches, ont veillé à ce que les parties les plus importantes du traité soient dépouillées et édulcorées au point d’en devenir absurdes. Car il ne faut pas oublier l’essentiel : l’accord de Paris entérine un réchauffement climatique supérieur à 3°C, sans se doter des dispositifs pour revenir sur une trajectoire inférieure à 1,5°C ou même 2°C.
De plus, la nomination de Tom Vilsack au ministère de l’agriculture, a déçude nombreux démocrates progressistes. Cette personnalité revient à ce poste qu’elle occupait sous Barak Obama, avec un passé de discrimination et de collusion avec les grands intérêts de l’industrie de la viande et des produits laitiers. Ce n’est pas seulement son bilan négatif en matière de droits civils qui fait de Tom Vilsack un choix dangereux pour le secrétaire à l’agriculture. Son bilan durant les années Obama démontre un grave manque d’intérêt pour la protection des agriculteurs indépendants et des droits des travailleurs agricoles.
Il a des liens étroits avec les entreprises du secteur agricole, ce qui lui a valu le surnom de Monsanto. Son poste actuel ? Président et directeur général du Conseil américain des exportations de produits laitiers, où il gagne près d’un million de dollars par an !
Cette nomination est une preuve de plus que Joe Biden et les démocrates continueront à promouvoir des politiques qui maintiennent plutôt le statu quo en matière d’environnement…
Joe Biden et le système électoral américain
En 2016, Hillary Clinton avaitrécolté 2 014 621 voix de plus que Donald Trump lors du scrutin présidentiel du 8 novembre, mais elle a quand même perdu l’élection car aux Etats-Unis, l’élection se fait au suffrage indirect, la démocrate n’ayant obtenu que 232 grands électeurs, contre 290 pour son adversaire.
Par de petits biais électoraux liés à la démographie, un Etat ne peut pas avoir moins de trois grands électeurs et certains Etats très peu peuplés se retrouvent ainsi avec un poids non proportionnel. 4 % de la population dans les plus petits Etats se voit attribuer 8 % des grands électeurs. Ces différences de poids électoral entre territoires existent aussi en France dans les élections départementales ou législatives : un député ne représente pas le même nombre d’électeurs selon les circonscriptions.
Qu’un candidat remporte un Etat avec 40 voix ou 4 millions d’avance, il récupère tous les grands électeurs de cet Etat (hormis dans le Maine ou le Nebraska, qui ont un système plus proportionnel). Ce mécanisme bafoue la règle un homme = une femme = une voix, ce que d'ailleurs n'a pas compris notre président Emmanuel Macron qui prétend le contraire.
Suite à l’invasion récente du capitole par les partisans de Donald Trump, on a entendu de hauts cris poussés par certains journalistes, commentateurs ou personnalités politiques comme quoi il y a aurait violation de la démocratie. Mais s’il y a eu violation des règles qui organisent l'élection, il n’y a pas eu violation de la démocratie car ces règles elles-mêmes ne sont pas démocratiques.
Par ailleurs, il ne faut pas oublier les votes par correspondance permis aux USA. Ceux-ci ne sont pas soumis à contrôle d'identité ! Cet aspect méconnu a été dénoncé par des élus démocrates et républicains. Ceci facilite les fraudes. Et on croit rêver quand on pense que certains politiques voudraient l'importer en France pour palier l'abstention !
Faut-il réformer ce système étrange et injuste ? Assurément oui mais il serait étonnant que Joe Biden s’engage dans cette voie…
Photo Creative Commons
Lire toutes les infos du blog : > Les 25 derniers articles> Tous les articles