Quand on y pense… Non seulement on vit une drôle d’époque, mais on vit surtout dans un drôle de monde !
J’ai couvert avec eco-sapiens presque 10 ans de sujet très divers où j’ai pu accumuler une connaissance encyclopédique… et surfacique. Kiwi, coton, thon, gaz de schiste, latex, jouets en bois, plastiques, labels, greenwashing, énergie, numérique, transports…
et une armoire en fer ! aurait chanté Boris Vian. Ou plutôt…
et un raton laveur ! aurait écrit Prévert.
Car dans la famille des petits mammifères carnivores, par ailleurs prédateurs de chauves-souris, je découvre grâce à cette épidémie un sujet qui me rappelle, s’il le fallait, à quel point notre société est déglinguée : l’élevage intensif de visons.
source : Pétition danoise Change.orgDéjà alerté par l’enquête de Reporterre, étonné par la rapidité avec laquelle le Danemark a liquidé ses 12 millions de visons, je suis tombé sur l’exposé de l’IHU Mediterranée-Infection (merci de mettre de côté tout ce que l’on peut penser sur la chloroquine et Raoult, ce n’est pas le sujet).
Naïf comme je suis, je pensais que plus personne n’achetait de fourrures. Un peu comme je n’ose croire que des millions de mes contemporains puissent être fascinés par la formule 1…
Mais avec les élevages d’animaux à fourrure, on va plus loin que la bêtise, on arrive dans la cruauté. Difficile en voyant ces fermes-baraquements entassant des milliers d’animaux qui ne vivront que quelques mois avant d’être gazés, ces charniers où l’on enterre puis déterre pour incinérer les cadavres, de ne pas songer « aux heures les plus sombres de notre histoire« .
Tout cela pour un peu de matière douce sur un anorak déstocké au prochain black friday…
Charnier de visons au Danemark – source Reporterre12 millions de visions exterminés au Danemark en quelques jours. Il y avait plus de visons au Danemark que de Danois. En France, 4 fermes. A priori pas reliable ave les foyers épidémiques. Contrairement à l’Italie où cela correspond.
Et en Chine ? Depuis des années, les visons sont en proie à différentes maladies infectieuses liées à des virus.
Dans son livre « Guns, Germs an Steel« , l’anthropologue Jared Diamond aime à rappeler que la conquête de l’Amérique par quelques barbares européens est moins liée à l’usage des armes à feu qu’à l’arrivée de maladies européennes à même de décimer les autochtones. Parce que vivant au sein des animaux de basse cour, les Européens ont fini par s’immuniser tout en étant vecteur.
L’Europe est avant tout un bouillon de culture… microbienne ! Alors cette histoire de visons se passe aussi surtout en Chine. Mais le trait commun, indéniablement, c’est l’industrialisation. Le fordisme est né d’une inspiration des abattoirs de Chicago.
Il a toujours été clair, en tout cas pour moi, que les « crises » ont plusieurs facettes : sanitaires, écologiques, économiques… et une seule origine : philosophique. Je veux dire que c’est parce que philosophiquement nous n’avons pas bien (re)pensé la technique, que nous pêchons par démesure productrice, que nous subissons des dommages collatéraux.
Le Grand Saint-AntoineCe n’est pas sans rappeler la peste de 1720 à Marseille. On pourra toujours accuser la puce, le rat, la saleté… il reste que l’étincelle est la cupidité des 4 armateurs du grand navire le Grand Saint-Antoine… patron des animaux.
Il y aurait vraiment beaucoup à dire sur cette histoire. Certes cette épidémie est un phénomène complexe et peut-être le rôle des visons est-il dérisoire. L’histoire dira ce qu’il en est. Mais quand bien même la vérité était ailleurs, qu’attendons-nous pour cesser ces horreurs ?