Li Bai est un homme d’armes, dans cette période tourmentée par les guerres. C’est aussi un homme errant de par le monde, un voyageur, un aventurier fuyant les honneurs, épris de vin, associant la poésie à l’ivresse. Il meurt à 61 ans, le titre du livre reprenant un vers de l’épitaphe gravée sur sa tombe.
« Li Bai reste humble devant la poésie, jamais il ne se croit supérieur aux éléments », écrit Le Clézio. « S’il regarde le paysage jusqu’à s’y fondre, la montagne jusqu’à n’être qu’un avec elle, c’est parce qu’il l’aime, la vénère, homme nu face à la puissance de la terre ». 25
Pour ce poète, seule compte la réalité, celle-ci « étant tout ce que l’œil peut voir ». 81
« Telle est la modernité de la poésie des Tang, qui la rend si proche malgré le millénaire et demi qui nous en sépare. Quelle que soit l’aventure du poète, quel que soit son sort, il doit toujours rester proche du réel, revenir au présent. Même lorsqu’il cherche à atteindre le règne des immortels, il doit rester avant tout un homme. (…) La poésie doit à la fois réaliser les plus grandes prouesses techniques, dignes de l’ancienneté du langage et de la culture, et rendre compte de la vérité du quotidien, telle que les poètes la vivent à chaque instant ». 82
Le Clézio écrit que « Chez les poètes Tang, la nature est à la fois plus proche et plus réelle. Les poètes ne s’en servent pas, mais ils sont agis par elle ». 149
Il transcrit ce quatrain, dont il pense qu’il est « l’un des plus mystérieux de la poésie Tang », « la clef de voûte de la littérature chinoise de cette époque » :
Les oiseaux s’effacent en s’envolant vers le haut
Un nuage solitaire s’éloigne dans une grande nonchalance
Seuls, nous restons face à face, le Mont Jingting et moi
Sans nous lasser jamais l’un de l’autre.
Philippe Fumery
JMG Le Clézio, « Le flot de la poésie continuera de couler », Philippe Rey, novembre 2020. Sur le site de l’éditeur