Chaque mois, vers le milieu, tout comme je le fais pour le cinéma (des ses 10 premiers jours), et tout comme je le fais pour la littérature (dans ses 10 derniers) je vous parle de l'une de mes trois immenses passions: La musique.
Le titre de la chronique s'inspire de 4 albums que j'ai tant écouté dans ma prime jeunesse (et encore aujourd'hui) que les composantes, les nuances, les airs, les paroles, font partie désormais de mon ADN.
Par ordre de création:
Blonde on Blonde de Bob Dylan
The Idiot d'Iggy Pop
Low de David Bowie
The Unforgettable Fire de U2
B.I.B.I. c'est moi. C'est aussi la terminaison de mot Habibi, en langue irakienne voulant dire Je T'aime. Musique, Je T'aime.
ARMED FORCES D'ELVIS COSTELLO & THE ATTRACTIONS.
En 1979, avec son troisième album en autant d'années, Elvis Costello s'était démarqué comme étant un auteur-compositeur acerbe avec une penchant prononcé pour les phrase punchées, une sort de Bob Dylan du new wave sévissant. Les critiques adoraient ses jeux de mots et le public avait fait de ses deux premiers disques, des bons vendeurs. C'est justement en janvier qu'il livrait son dernier effort. Mais contrairement à ses deux premières offrandes, le têtu britanno-irlandais proposait un baveux reproche à tout ceux qui pensaient avoir deviné son son. L'album, le second avec Steve Nieve aux claviers, Bruce Thomas à la base et Pete Thomas à la batterie, ses Attractions, était un pari sonore avec ses fans. Mais ce qui surprend, c'est cette obsession pour le fascisme, glissé dans ses riffs qui reste, de nos jours, tellement d'actualité.
Cet album devait s'appeler correctement Emotional Fascism.
Ce président qui refuse de reconnaître la défaite, les ailes de la droite radicale qui planifient des kidnappings de gouverneurs démocrates ou pire encore pour dans trois jours, jour officiel de l'effacement total de Donald Trump à la présidence des États-Unis sont un drôle d'écho quand on réécoute cet album, 42 ans plus tard.
Costello disait lui-même que ses chansons étaient toutes revanchardes et/ou culpabilisantes. l'amour? ça n'existait pas dans ses chansons. Il vivait d'ailleurs un premier divorce et avait une relation douce-amère avec la blonde de Todd Rundgren, Bebe Buell. Elle serait le sujet de certaines des chansons de l'album. En tournée aux États-Unis, il découvrait une nouvelle jeunesse. Des jeunes plein d'hédonisme et de confiance en eux. Des gens que Costello imaginait facilement, glisser un jour dans le despostime. (ou encore se développer une brillante carrière en marketing ajoutait-il avec humour). À Belfast, la jeunesse dont il était issu, et qu'il avait côtoyé était prématurément fatiguée, sur la défensive et trop souvent, armée. Le Front National gagnait du terrain en Angleterre. Et ce qui outrait Costello était que ces gens paradaient fièrement dans les rues, à visage découvert, épousant ouvertement les idées totalitaires. Plus pop et moins punk que ses deux albums d'avant, l'étatsunien creux allait servir d'inspiration au binoclard guitariste. Les gens flirtant avec les chemises brunes des jeunesses Hitlériennes seraient aussi évoqués sur l'album, deux fois même. Une première version d'une chanson de cet album débutait par un portrait des fasciste de l'underground. Et il était impossible de lire avec détachement le titre de l'avant dernière chanson du disque.
L'une des meilleures chansons à vie de Costello se moque de l'empire britannique et d'Oliver Cromwell avec son piano légèrement inspiré d'ABBA.
Le néofascisme a attiré plusieurs artistes à cette époque. En 1976, Eric Clapton scandait un certain racisme en concert et promettait des rivières de sang si l'immigration n'était pas plus limitée en Angleterre. "Keep Britain White" osait-il même dire. (il s'est depuis excusé blâmant la cocaïne). David Bowie, au même moment flirtait ouvertement avec le fascisme en proposant que l'Angleterre se méritait un bon fasciste au pouvoir. Ça avait été accueilli comme il le fallait, désagréablement. Le premier single de Costello tiré de cet album, une reprise d'une chanson de Nick Lowe, serait aussi pris comme une moquerie, ce qu'il confirmerait par la suite: avoir chanté ce morceau avec une certaine ironie. L'arrogance finira par se retourner contre lui, voyez tout de suite pourquoi.
Costello serait impliqué dans un élan de connerie personnelle quand, en compagnie de Stephen Stills, et en bon irlandais, il avait choisi de prendre une cuite et de dire de James Brown qu'il était un "Jive-ass nigger" et Ray Charles "a blind ignorant nigger". Ce qui avait tout de suite fait réagir une chanteuse du band à Stills qui avait fait la bonne chose à faire à ce moment là et qui était de donner un violent coup de pied au pied de tabouret sur lequel était assis Costello. Ça l'avait non seulement fait tomber, mais lui avait aussi séparé une épaule. Les accidents arriveront. Ses propos étaient inexcusables. Il les as d'ailleurs expliqués en disant exactement ceci: "inexcusable, 100% inapproprié, opprobre méritée." . La radio avait ensuite boycotté la diffusion de cet album, qui comprenait pourtant une chanson dont une ligne condamnait directement le racisme. À 24 ans, il était peut-être légèrement arrogant. Avait besoin qu'on lui replace les lunettes. Deux ans avant, il avait de toute manière été aussi banni de l'émission Saturday Night Live pour avoir choisi de changer le morceau qu'il était prévu jouer en direct, sans préavis.
Les vrais trouble-fêtes n'ont pas sa tête. Vaine censure.
Cet album, si concerné par la montée de la droite, et des influences toxiques des leaders, aurait pu être écrit dans la dernière année. Avec Trump appelant les médias l'ennemi du peuple, son racisme transparent et minant la démocratie mondiale, mais aussi avec la situation pandémique qui fait sentir les gens impuissants.
Cet album est un écho d'impuissance.
Pour amateurs de New Wave, de propos politiques, de pop, de voix nasillardes, de musique alternative, de rock collégial, de post-punk, de baveux binoclard.