À l'origine, Greenlight est une de ces jeunes pousses qui proposent aux parents d'équiper leurs enfants d'une solution bancaire adaptée à leurs besoins et leur permettant notamment d'apprendre les bases de la gestion de finances personnelles. Avec sa nouvelle version « premium », elle veut maintenant leur enseigner aussi l'investissement…
Au-delà de la recherche d'un modèle économique original dans une entreprise qui se retrouve sur un marché de plus en plus encombré, la démarche procède probablement de la même intention louable initiale : dans un monde où l'argent est désormais presque entièrement dématérialisé, il est nécessaire de ré-inventer les méthodes pédagogiques d'autrefois, fondées sur l'allocation d'un pécule récurrent, la remise de quelques billets lors de grandes occasions et une tirelire pour les projets spéciaux.
Dans cette perspective, mettre entre les mains des plus jeunes une carte de paiement et une application mobile avec lesquelles ils découvrent progressivement, à leur rythme, en bénéficiant d'un accompagnement personnalisé, les vertus de la maîtrise d'un budget ou les avantages de constituer une cagnotte paraît raisonnable, car la tentation de la (sur)consommation commence très tôt. En revanche, quelle est l'utilité réelle de les immerger dans les arcanes des marchés, des actions, des fonds… dès 15 ou 18 ans ?
Certes, le grand public est universellement confronté à un sérieux déficit de culture financière (y compris aux États-Unis, contrairement à une légende entretenue de ce côté de l'Atlantique) et une immense majorité de la population passe à côté des opportunités qu'offrent les instruments d'investissement de mieux préparer ses grands projets et ses transitions majeures de l'existence. Cependant, combler ces lacunes n'est pas une urgence. Au contraire, plusieurs arguments justifient d'attendre la maturité.
En premier lieu, l'adolescent moyen n'est généralement pas prêt à appréhender et comprendre les enjeux de l'investissement. D'une part, il lui faut auparavant assimiler parfaitement les concepts fondamentaux de la gestion de l'argent, dont les principes de l'épargne, ce qui prend du temps. D'autre part, il s'agit d'une période de la vie dans laquelle non seulement l'insouciance règne sans partage et les rêves ne sont jamais très lointains mais, de plus, c'est une prérogative qu'il faut absolument leur laisser !
Surtout, il serait temps d'arrêter de vouloir gaver les jeunes têtes avec tous les savoirs de la planète ! Entre les injonctions à inculquer, de préférence à l'école, les usages du numérique (ou des réseaux sociaux), l'écologie, la programmation informatique, l'hygiène (cuvée 2020)… et, donc, l'investissement, où trouver le temps pour toutes ces disciplines ? Alors que se multiplient les inquiétudes sur la maîtrise des matières essentielles (mathématiques, français… sans même évoquer ce qu'on appelait autrefois l'instruction civique), qui en constituent souvent un préalable, il faut établir des priorités.
En réalité, les nouveaux apprentissages méritant une diffusion large avant l'âge adulte sont relativement rares (l'utilisation des médias en ligne est un des exemples les plus évidents). En outre, un certain nombre de connaissances, de pratiques et de comportements étant transmis par les parents, notamment par imitation, une approche optimale consisterait peut-être à focaliser les efforts sur ces derniers, premières victimes de l'ignorance et, simultanément, relais importants d'une propagation « organique ».