Deux lectures presque simultanées pour moi ces derniers jours. J’en croise ci-dessous des extraits.
Antoine des Gommiers, qui n’avait rien d’un bel homme ni d’un athlète, partait parfois à l’aube, et, au bout d’une longue marche ponctuée d’arrêts pour saluer les acacias et les eucalyptus, ses arbres préférés à côté des corossoliers, il atteignait la côte, enlevait ses vêtements et plongeait dans cette eau réputée trop forte pour les hommes. Cet oracle de la sagesse, dont le savoir consistait à prévenir des dangers de l’obsession et de la démesure, osait ce geste que seuls avaient tenté des enfants fous. Quelques-uns y avaient laissé leur vie, emportés par les courants, et leurs corps n’avaient jamais été retrouvés. Les plus chanceux avaient été récupérés par des bateaux de pêche. Ramenés à leurs parents par les marins pêcheurs, les gamins déliraient durant des mois, jurant avoir observé sous l’eau d’étranges mélanges de couleurs et rencontré des créatures fantastiques qu’ils ne parvenaient pas à décrire. (Antoine des Gommiers - Lyonel Trouillot)
Qu’y a-t-il au fond du désir de se jeter à l’eau ? Qu’y a-t-il au fond du désir de s’immerger dans la chose qui hante ? De sauter le pas ? De se lancer toutes affaires cessantes à la poursuite déterminée de ce qu’on ignore ? De franchir le Rubicon ? De rompre les amarres ? (…) ces métaphores (…) disent toutes l’imprudence. Elles disent toutes : (…) Il a rejoint la spontanéité souveraine de la nature. (Boutès - Pascal Quignard)
Antoine des Gommiers mourut, disent les uns, après sa séance de natation, sur la plage sauvage des Gommiers, entouré d’oiseaux de mer. (Antoine des Gommiers - Lyonel Trouillot)
Des oiseaux surmontés de la tête d’une femme la bouche ouverte qui chante, voilà comment étaient figurées les premières sirènes sur les vases grecs les plus anciens. (Boutès - Pascal Quignard)