Tout le monde connaît la promesse de ces plates-formes, distribuées depuis plus d'une décennie par des startups de la FinTech ou, de plus en plus, intégrées dans les applications web et mobiles des banques traditionnelles : la capacité de définir quelques cibles ou limites sur ses dépenses puis de contrôler, de manière rapprochée, leur respect au fil du temps est un facteur de bien-être financier, car il évite les excès involontaires et facilite, plus ou moins directement, l'atteinte d'objectifs à moyen ou long terme.
Or, en comparant, sur un échantillon représentatif, les comportements de consommateurs équipés ou non, il s'avère que, en moyenne, ceux qui disposent d'un accès à l'information sur leur position dépassent les plafonds qu'ils se sont eux-mêmes fixés tandis que les autres, qui naviguent donc à vue, tendent globalement à tenir leurs engagements. Les dérives des premiers sont en outre particulièrement visibles en fin de cycle de budget (la période, généralement mensuelle, sur laquelle s'appuient les règles établies).
L'explication avancée par les chercheurs, corroborée par cette dernière observation, considère que le fait de connaître avec certitude, à tout moment, le niveau des disponibilités encourage la prodigalité. A contrario, les individus qui ne sont pas sûrs de l'état de leurs comptes, qui, en l'absence d'un indicateur précis, maintiennent mentalement leur propre estimation, de plus en plus approximative au fil des jours, s'imposent instinctivement une marge de manœuvre afin d'éviter le débordement.
Un corollaire embarrassant d'une telle hypothèse, si elle est confirmée, est sa possible généralisation aux outils « digitaux » standards des banques (hors PFM), qui nous accompagnent partout et que certains clients consultent plusieurs fois par jour : savoir exactement, en permanence, le solde restant, voire, dans les cas les plus élaborés, le « reste à vivre » (après avoir retiré les frais prévisibles), constituerait une incitation sournoise à la dépense, au détriment, potentiellement, de gestes financiers plus sains.
Dans une autre phase de leur travail, les chercheurs ont ensuite exploré quelques idées de solutions afin de limiter les effets constatés. Une présentation par intervalles (plutôt que par montants unitaires), la réduction de la durée du cycle de planification et le rappel de la faculté de reporter un surplus sur la période suivante semblent efficaces. En revanche, l'introduction de recommandations explicites (effectuer un versement vers un compte d'épargne ?), qui pourrait être plus performante, n'a pas été testée.
La conclusion que je voudrais tirer de cette intéressante analyse (dont on peut tout de même s'étonner qu'elle soit une première, des années après l'émergence du PFM) porte sur la popularité croissante de la notion de bien-être financier dans les discours marketing d'un nombre croissant d'acteurs (de toutes dimensions). Il serait dommage qu'elle soit galvaudée, à travers des approches superficielles, alors qu'elle représente un enjeu essentiel mais requiert une expertise approfondie pour exprimer sa valeur.