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Cameroun: 15 déplacés anglophones déférés au parquet à Douala

Publié le 14 janvier 2021 par Tonton @supprimez

Au cours d’une opération de bouclage le 22 décembre à Douala, 76 déplacés (1) avaient été arrêtés au quartier Mambanda. 15 d’entre eux ont été déférés au tribunal de première instance de Bonaberi pour grand banditisme et agression contre des gendarmes.

Des notables et des habitants du quartier dénoncent la discrimination ethnique et la violence de cette rafle. Ce lundi 11 janvier 2021 à 11h, l’adjudant-chef Christian Mabvuer, commandant de la brigade de gendarmerie de Mambanda à Douala discute avec des personnes placées en garde à vue dans une petite cellule située à l’entrée de son bureau. « J’ai là à l’intérieur un ou deux déplacés anglophones. Beaucoup de grands malfrats partent des régions anglophones, principalement de Buéa dans le Sud-Ouest, et se cachent sous l’identité de déplacés internes pour commettre le grand banditisme. Nous avons amélioré nos méthodes de travail pour les dénicher», explique-t-il. Il affirme que le mardi 22 décembre 2020, le délégué régional à la sûreté nationale de la région du littoral, Adamou Alioum, a lancé une opération de bouclage pour donner « un ton fort afin de décourager les bandits à la veille de la période des fêtes». L’opération était menée par un groupement d’opération mixte, composé des éléments de la gendarmerie, des militaires et de la police.

« Le délégué régional de la police nous avait demandé de boucler toute la zone du quartier Mambanda, principalement habité par les ressortissants anglophones, de procéder à l’interpellation de toutes les personnes n’ayant pas de carte nationale d’identité (cni), toutes les jeunes filles mineures en vagabondage nocturne, et rechercher toutes les personnes dont les noms figurent sur les listes d’avis de recherches », explique l’adjudant-chef Christian Mabvuer. Il indique que 76 personnes au total avaient été arrêtées et placées en garde à vue, presque tous des ressortissants anglophones. Après les auditions sur procès-verbal, 15 personnes ont été déférées au tribunal de première instance de Bonaberi, pour les motifs «d’agression sur les gendarmes, défaut de cni, prostitution, vagabondage nocturne ».

Les autres ont été relâchées. « Ceux qu’on a relâché avaient des cartes d’identités expirées. On leur a donné quelques instructions et montrés dans quel service ils doivent aller pour renouveler leurs cartes. C’est notre travail régalien », mentionne l’adjudant-chef Christian Mabvuer. Hervé Dimitri Abada, commandant de la brigade de gendarmerie de Bonaberi, faisait partie des coordonnateurs de l’opération de rafle de décembre. Rencontré dans ses services, il explique que tout s’est déroulé sans aucune violence, seules quelques personnes qui tentaient de fuir ayant été pourchassées et rattrapées. Il rejette toute forme de violence commise par les policiers, militaires et gendarmes.

La barbarie de la rafle dénoncée

« Le policier ou le gendarme est au service de la population. Sa relation avec la population doit être empreinte de courtoisie. Ils n’ont pas le droit de faire des interpellations violentes », se plaint martin Enoh, un cadre de banque parti de la ville de Buéa pour venir porter secours à son frère anglophone blessé lors de l’opération de rafle.Il poursuit en précisant que « Le code de sécurité de la police demande le respect de la dignité de la personne, aucune maltraitance lors des interpellations ne peut être tolérée ». D’énormes dénonciations vont dans le même sens,
comme pour réclamer justice, mais aucune plainte formelle n’est déposée. Pour d’autres, dans ce contexte, ces interpellations abusives ternissent l’image et la réputation du service de police mais également brise la relation de confiance entre la police et le public.

Les notables rencontrés à la chefferie de troisième degré de Mambanda dénoncent aussi d’autres formes d’abus. « C’est à 6h du matin qu’ils ont bouclé tout le quartier. Ils ont dit qu’ils recherchaient surtout les anglophones. Même ceux qui montraient leur carte d’identité étaient arrêtés avec une extrême violence. Ils ont agressé physiquement beaucoup de personnes, et interpellés dans la foulée une centaine d’individus. Ils ont obligé ces personnes à s’asseoir au sol avec les mains sur la tête sous un soleil brûlant», souligne l’un des notables. D’autres habitants révèlent des pratiques de corruption. «Comme c’était la veille des fêtes, ils ont interpellé dans la foulée beaucoup de personnes. Ensuite, ils ont demandé à certains de payer de l’argent pour être libérés».

Les lois bafouées

Le code de procédure pénal camerounais proscrit toute forme de violence pendant les interpellations de polices. Lorsque le principe de discernement est violé, les agents de police et les gendarmes peuvent être sanctionnés sur le plan pénal et disciplinaire. Par ailleurs, le principe directeur de l’Onu sur les déplacés internes interdit toute forme de discrimination. Il stipule que « la manière spécifique dont une arrestation est menée ne doit pas être discriminatoire. Elle doit être appropriée et proportionnée au vu des circonstances de l’affaire». Des dispositions sur lesquelles les déplacés anglophones peuvent s’appuyer pour porter plainte et demander réparation.

Hugo TATCHUAM (Jade)


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