Mardi dernier, au cours de l’installation du préfet du Noun, madame le maire de la ville de Foumban a cristallisé les attentions.
L’autorité administrative a voulu la priver de parole et ne l’a pas ménagée dans son discours. La réponse du berger à la bergère. Le courrier adressé au gouverneur Awa Fonka Augustine qui a pour objet, « votre représentation déshonorante », trahit en lettres majuscules tout le tohu-bohu qu’il y a eu au moment de l’installation de la nouvelle autorité administrative. Aujourd’hui, il est clair aux yeux de l’édile de la cité des Arts, que le gouverneur de la région de l’Ouest s’est fourvoyé à plus d’un titre. « Permettez-moi de vous dire que, vous avez piétiné vos missions ; ce qui ne doit pas rester sans conséquences car, l’ensemble de vos manquements, sur lesquels je reviendrai pour l’essentiel, a choqué tous ceux qui, nombreux, étaient venus assister à un rituel républicain dans la pure tradition de respect des valeurs et principes de la chose publique », assène d’entrée la première magistrate de la ville de Foumban. Elle va plus loin en révélant dans cette lettre qu’elle a promis au gouverneur, au moment où il prenait congé, de révéler aux yeux de tous, que lui le gouverneur a sans vergogne menti au micro lorsqu’il a déclaré que tout le grabuge est parti d’elle. Selon Awa Fonka Augustine, ce sont les gesticulations du maire au moment où on s’apprêtait à lui donner la parole qui ont jeté le feu aux poudres.
« Entre d’une part dire que c’est vous qui établissez le programme et que celui que vous avez décidé dans le secret de votre chambre (je le présume parce que personne ne détenait votre programme ) ne prévoit pas l’intervention du maire, « aucun texte ne l’oblige en matière d’installation des préfets » et d’autre part passer au micro et tenter de faire croire au public que ce sont les gesticulations de Madame le maire qui sont à l’origine de tout, Mr le gouverneur, je vous réitère ici ce que je vous ai dit: je ne respecte que les hommes d’honneur, de parole, de dignité. » Revenant sur le discours de l’élite qui a pris la parole après elle, elle s’indigne en ces termes: « Non seulement dans le programme cela n’était pas mentionné, mais aussi, il se trouve qu’en respect du protocole de la République, le maire représente toutes les populations confondues, « élite » ou pas. » Pour clore cette explication à l’attention du gouverneur, elle soupire de consternation en ces termes : « Quel fiasco pour une cérémonie à ce niveau ? »
Sur les menaces à ciel ouvert du gouverneur
Dire qu’Awa Fonka Augustine était en colère et triste suite aux soubresauts qui ont émaillé la cérémonie de mardi dernier est un euphémisme. Il a dit haut et fort sa colère et sa tristesse, avertissant au passage la population de ne plus jamais recommencer de protester de manière si véhémente les décisions de l’autorité administrative. Et le gouverneur en a eu effectivement pour son compte lorsqu’il s’est agi de refuser la parole au maire ou de faire parler l’élite. On est passé à un cheveu d’un dérapage grandeur nature. « Ne recommencez plus jamais ! Je vous le conseille, plus jamais que ceci ne se répète. Le silence n’est pas un signe de faiblesse!…Je suis triste! Oui triste du spectacle qu’on nous a servi tout à l’heure », avait-il lancé au début de ses propos à la place des fêtes de Foumban. Revenant sur ces menaces, Tomaïno Ndam Njoya a cinglé avec une verve poignante :« le spectacle que vous avez organisé n’ayant pas été à votre goût, vous nous avez mis en garde et martelé de ne plus recommencer ; Mr le gouverneur, revenez pour une autre installation aujourd’hui, en voulant imposer un programme dont vous seul avez la teneur, le spectacle sera assuré avec plus d’ampleur car dans le fond, vous nous y aurez préparé désormais. »
Toujours dans ce chapitre de menaces ou de violence, Tomaïno Ndam Njoya accuse le gouverneur de misogynie. Elle s’appuie sur le lexique du patron de la région pour le montrer. Il a dit, comme le relève le maire, qu’elle est une femme, qu’elle gesticule et il a utilisé par ailleurs l’expression « votre mari ». « C’est avec un culot mal placé que vous êtes revenus sur la personne honorable du Dr Adamou Ndam Njoya. Lui au moins qui savait se tenir devant les dames, monsieur », enfonce-t-elle la dernière pointe pour dire la misogynie consommée de Fonka Augustine. Elle l’accuse aussi de verser dans la politique, de faire de la propagande ou de l’activisme. « Vous pensiez que vous étiez en plein meeting politique, en campagne électorale, ou le politicien véreux au mieux, raconte n’importe quoi qui lui passe à la tête. Quelle bassesse! Ma petite leçon pour vous est qu’il faut la morale et l’éthique, même en politique », rappelle-t-elle à l’homme dont la loi appelle à la réserve, à la neutralité et à l’impartialité devant les partis politiques.
Sur les délires hors-sujet du gouverneur
Elle se demande si c’est au gouverneur qu’il appartient de présenter aux Bamoun « Mr Mbouombouo Njoya ». Si c’était le lieu de le faire. Si c’était lui que le gouverneur installait. Elle lui demande aussi quelle est la place qu’un ministre délégué auprès du ministre des Transports occupe dans une cérémonie comme celle-là pour que le maître des céans se sente obligé de revenir plusieurs fois sur ses soi-disantes actions ? « Était-ce une cérémonie concernant le domaine des Transports ? Pourquoi vouliez-vous qu’il prenne la parole que vous vous arrogiez de retirer au maire », poursuit-elle dans sa dynamique de mettre en évidence les « hors-sujet » du gouverneur. En ce qui concerne l’affaire » Porte d’entrée », elle martèle sans hésitation que « Mr Mbouombouo Njoya n’a pas qualité, et vous le savez pertinemment, pour entreprendre les travaux à la « porte d’en trée ». La démolition de tout ce qui est fait sans respect de la loi est imminente.
Avec son armée, il a attenté à ma vie: vous n’avez rien dit. En venant cautionner tout ce qui est incongru, vous avouez votre part de responsabilité de la situation que le Noun vit depuis 2014 à votre arrivée : insécurité, culture du chanvre, commerce immoral des ossements humains et j’en passe. Pendant ce temps, que faites-vous avec tous vos champions que vous avez encensés ce jour », s’interroge Tomaïno Ndam Njoya en s’indignant. Elle termine son brûlot envoyé au gouverneur en lui rappelant qu’elle espère que ce dernier a bel et bien compris qu’elle ne voulait pas prendre la parole dans l’intérêt de régler ses comptes avec les « protégés » du gouverneur. Cette protection-là, cours de la cérémonie. « Avec la nouvelle ère, apprenez à vous séparer de votre culture de « commandement autocentré et sans partage », sollicite-t-elle enfin du gouverneur qui lira la lettre certainement avec une saveur de nouveauté étrange.