Magazine Culture

Boutès, de Pascal Quignard (éd. Galilée)

Publié le 13 janvier 2021 par Onarretetout

boutès

On connaît l’histoire d’Ulysse qui, raconte Homère, pour écouter le chant des sirènes sans pouvoir s’en approcher, se fit attacher au mât de son navire. On connaît moins celle de Boutès, racontée par Apollonios de Rhodes. Boutès est un parmi les cinquante rameurs de l’Argo. À proximité de l’endroit où chantent les sirènes, tandis qu’Orphée joue sur son instrument une musique pour contrer le chant des sirènes et donner le rythme à ceux qui rament, Boutès se lève et se jette dans l’eau pour nager jusqu'à l'île d'où vient le chant. Voilà trois façons de réagir à la musique, à celle de la voix, la voix des oiseaux portant des seins de femmes. Celle d’Orphée est de la contrer, de s’y opposer avec cordes et plectre, celle d’Ulysse est d’y résister en s’interdisant tout mouvement, « seul Boutès plongea ». Pascal Quignard sait faire revenir les textes qu’on a oubliés. Il rappelle dans son style unique que l’histoire n’est jamais univoque. Et révèle une autre façon de saisir le monde que celle, dominante, qui nous a été imposée. La musique nous environne déjà avant la naissance. Si Boutès plonge, c’est pour retrouver cette eau où il entendait voix et battements de coeur. Tout le reste est artifice. 

« La musique  commence par murmurer à l’oreille de celui qui l’aime et qui s’approche du chant qui l’enveloppe, où il consent à perdre son identité et son langage. Souvenez-vous, un jour, jadis, on a perdu ce qu’on aimait. Souvenez-vous qu’un jour vous avez tout perdu de tout ce qui était aimé. Souvenez-vous  qu’il est infiniment triste de perdre ce qu’on aime. »


Retour à La Une de Logo Paperblog

A propos de l’auteur


Onarretetout 3973 partages Voir son profil
Voir son blog

l'auteur n'a pas encore renseigné son compte l'auteur n'a pas encore renseigné son compte

Magazine